INFILTRATOR compense les passages obligés par un vrai sens du storytelling et une direction d’acteurs impeccable.
Au cours des années 80, l’agent fédéral Bob Mazur a une idée pour faire tomber les trafiquants de drogue : au lieu de suivre la came, il faut courser l’argent. Pendant trois ans, il se fait passer pour un conseiller financier capable de blanchir des millions et infiltre le Cartel de Medellin. Mazur raconte que c’est un producteur du MIAMI VICE de Michael Mann, sur lequel il était consultant, qui l’a convaincu de conter son incroyable destin dans un livre – dans l’idée d’en tirer un film. Dix ans plus tard, voici donc INFILTRATOR, chronique ample et romanesque de sa vie d’infiltré. À la baguette Brad Furman, jeune cinéaste qui, avec LA DÉFENSE LINCOLN, avait prouvé sa capacité à donner du souffle aux arcanes juridico-policières et au genre si rodé du procedural. Tout comme le film qui a relancé la carrière de Matthew McConaughey, INFILTRATOR peut apparaître anodin tant il semble déjà vu, couru d’avance. C’est en partie le cas : le script d’INFILTRATOR, bien qu’inspiré de faits réels passionnants et délirants, a parfois tendance à succomber aux passages obligés rebattus. Pourtant, Brad Furman et sa scénariste Ellen Brown Furman parviennent à retomber sur leurs pattes. Si l’épouse de Mazur lui reproche de « commencer à ressembler à ceux qu’il traque », la scène d’après, redoutable et effrayante, vient ajouter l’image à la parole : devant sa femme, l’agent se voit obligé de sombrer dans la violence pour protéger sa couverture. Cette manière de consolider les enjeux en leur donnant une véritable consistance à l’écran, une vraie résonance émotionnelle, permet à INFILTRATOR de déjouer ses faiblesses. Avec un élan de conteur indéniable, Brad Furman convoque divers outils pour solidifier son récit : un grain de pellicule fantasmatique qui renvoie INFILTRATOR vers un passé de cinéma glorieux, des gros plans sur les visages rapprochant le public des personnages, des plans séquence aériens et emballants, des juxtapositions de montage particulièrement bien vues, une bande-son ouvertement narrative – de Rush à The Who, qui ouvrent et ferment respectivement le film. Un appétit de storytelling qui s’appuie également sur le talent et l’engagement d’une distribution impeccable. Dirigés avec soin, sans effusion, Bryan Cranston, John Leguizamo et Diane Kruger apportent une grande humanité à leurs personnages de fédéraux embrigadés dans une mission bien trop lourde pour eux – pour quiconque. Avec talent, leur interprétation permet à Furman de bâtir soigneusement son idée centrale (affronter le Mal, c’est forcément s’enfermer soi-même), qu’il assène dans un ultime plan, majestueux de mélancolie.
De Brad Furman. Avec Bryan Cranston, Diane Kruger, John Leguizamo. États-Unis. 2h07. Sortie le 7 septembre
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