DEEPWATER : chronique

12-10-2016 - 10:56 - Par

DEEPWATER : chronique

L’accident pétrolier du Deepwater Horizon traité par un Peter Berg à la fois solennel, élégiaque et colérique. Mais toujours patriote.

deepwater-posterOn entend souvent que Peter Berg marche sur les traces de Michael Bay, mais le réalisateur de BATTLESHIP entretient avec son pays un rapport bien plus viscéral que son confrère et avec l’héroïsme, un lien plus intime. Chez Berg, ce n’est pas tant l’Amérique qui est grande, c’est l’Américain. DEEPWATER est à mi-chemin entre la série FRIDAY NIGHT LIGHTS et DU SANG ET DES LARMES. Il démarre d’ailleurs sur des plans naturalistes de l’Amérique rurale, au rythme de nappes musicales éthérées de Steve Jablonsky, tout est calme et authentique et Mike Williams, électricien, va passer 21 jours sur la base pétrolière Deepwater Horizon, loin de sa fille et de sa femme. Et si Mark Wahlberg a prouvé un talent ces dix dernières années, c’est celui de bien jouer les travailleurs mal dégrossis, qui ont des rêves modestes. Le cœur de l’Amérique, en gros. En avril 2010, sur le Deepwater Horizon, les ouvriers et les ingénieurs vont alerter BP, qui a loué la plate-forme, que toutes les vérifications obligatoires n’ont pas été effectuées. Mais des retards et des dépassements de budgets vont crisper les relations et la sécurité va passer au second plan pour les cols blancs avides… Jusqu’à l’accident : la plate-forme s’enflamme. Lutte des classes et film de monstre. La première moitié de DEEPWATER est souvent interrompue de plans sur « la bête » qui frémit : la pression agite la chape de béton et le pétrole, qui rugit, ne demande qu’à surgir, mais les patrons, aveuglés par le profit, n’y prêtent aucune attention. Pendant une heure (sur un film qui dure 1h47), Peter Berg bâtit la tension, la caméra dansant entre la ferraille tremblante, les discussions anodines et personnelles de jeunes ouvriers inconscients et les face-à-face agités par un jargon industriel qu’on ne peut pas toujours comprendre. Mais Berg fait confiance à sa mise en scène : si l’on ne saisit rien à ce qui se dit, ses plans, ses images, ses bruits féroces ne mentent pas. Au bout d’une heure, le verbiage cède face à la catastrophe. Les mots insensés se taisent face à l’explosion. L’abstraction devient visuelle. Avec un air de fin du monde, Peter Berg filme du métal, des flammes et des corps dans un tumulte graphique et sonore sublime. Le Kurt Russell de THE THING, dans la peau du patron de la plate-forme, mènera-t-il ses troupes vers la survie ? Chez Berg, il n’y a pas d’Amérique ébranlée sans Amérique résiliente. Pour un drapeau qui brûle, il y a un drapeau qui flotte, intact. DEEPWATER n’a pas les thématiques finaudes mais il est ce que le cinéma hollywoodien a livré de plus spectaculaire et d’étrangement plastique cette année.

De Peter Berg. Avec Mark Wahlberg, Kurt Russell, Gina Rodriguez. États-Unis. 1h47. Sortie le 12 octobre

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