Après un convaincant remake d’EVIL DEAD, Fede Alvarez troque le cinéma sanguinaire pour un style plus sec et plus haletant.
DON’T BREATHE fait respirer le très codifié home invasion movie. En adoptant le point de vue des intrus puis en transformant le lieu de leur crime en piège à rat, Fede Alvarez trousse un scénario ludique et surprenant, où les rapports de violence ne cessent de s’inverser, où distinguer les victimes des bourreaux est un amusant défi moral et intellectuel. Les trois cambrioleurs amateurs écument Detroit, ville misère de la Récession. Money (Daniel Zovatto) et Rocky (Jane Levy) cherchent à partir de ce taudis et parmi les rêves d’Alex (Dylan Minnette, voir p.17), il y a celui de ne jamais quitter Rocky, même s’il faut pour cela passer du côté obscur de la morale. Ils ont des comportements de caïds, mais ont encore des visages d’enfants. Dans leur routine criminelle, ils prévoient de voler une grosse somme à un vétéran devenu aveugle (Stephen Lang), dernier habitant d’un quartier déserté. Job facile que de s’en prendre à un homme diminué d’un sens. À moins que l’ironie du sort leur fasse ravaler leur lâcheté : l’aveugle cache de vilains secrets. Fede Alvarez orchestre un jeu du chat et de la souris dans une vieille baraque vermoulue où la vue et l’ouïe s’affrontent dans un match serré. Une planche qui craque, une respiration heurtée, une poignée de porte qui grince : DON’T BREATHE, thriller de son, est aussi un exercice de mise en scène excitant, où la caméra suit, perd et rattrape ses personnages et maintient le film sous une pression dingue. À mi-parcours, le scénario tombe dans le twist un peu tarabiscoté mais ce que le film perd en classe, il le gagne en horreur – on pense alors aux slashers féminins français traitant souvent les sévices sous l’angle sexuel. Rien qui ne gâche vraiment la finesse générale : les moments de violence crasse ne tombent jamais dans la facilité du gore. Avec une caméra urgente, si ce n’est parfois punk, Fede Alvarez s’impose comme un réalisateur moderne, ayant parfaitement intégré les mécanismes de la peur – une scène, mimant le noir complet, est un modèle d’imagination au service de l’immersion. Il a également saisi le pouvoir de la simplicité des situations quand les personnages sont en eux-mêmes complexes. DON’T BREATHE, c’est un affrontement trivial dans un univers à la morale grise et au moral en berne. Quand la chienne de vie fait office de vilain ultime, pèse sur le film un certain fatalisme, face auquel nos jeunes voleurs refusent de se résigner. Sans effets de sursaut mais sous une tension en continue, DON’T BREATHE fait, sous les oripeaux du thriller, ce que le film d’horreur parvient trop peu souvent à accomplir : nous coller les foies.
De Fede Alvarez. Avec Jane Levy, Stephen Lang, Dylan Minnette. États-Unis. 1h28. Sortie le 5 octobre
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