MOONLIGHT : chronique

31-01-2017 - 21:19 - Par

MOONLIGHT : chronique

Une somptueuse réinvention du mélodrame identitaire plein de grâce et de pudeur. Plus qu’un beau film, un film important.

Moonlight-PosterC’est un peu le sacerdoce du journaliste : trouver et commenter ce qui fait la mode. Alors, on lira peut-être ici ou là que MOONLIGHT, le second long-métrage de Barry Jenkins, est un « petit phénomène indé ». Pourquoi « petit » ?! MOONLIGHT est un grand film, ample, complexe qui va au bout de ses ambitions et ne s’en excuse surtout pas. C’est ce qui frappe et hante à la vision de ce film faussement simple, presque un peu attendu, qui finit par vous éclater le cœur. Divisé en trois actes, en trois temps marqués par des ellipses très fortes, le récit suit de manière chronologique la recherche identitaire d’un jeune garçon paumé (Chiron, incarné par trois excellents acteurs) en quête de modèles. Profondément classique dans sa structure mélodramatique, le film bouleverse et innove par une modernité d’une grande douceur. Jenkins filme les fractures, les manques du récit et les doutes qui en résultent comme un cocon, quelque chose d’extrêmement sensuel et sensoriel. D’où une étonnante et persistante impression d’être avec le personnage, de regarder le monde et ses mystères avec la même candeur, la même distance pour se protéger. C’est cette humanité-là, cette façon très innovante de doper l’empathie du classicisme avec les nuances de la modernité, qui structure ce récit éclaté et nous tient en haleine. Profondément prosaïque dans sa description nuancée et très engagée de l’Amérique noire, le film regarde aussi ses personnages déclassés comme des figures universelles, quasi mythologiques. Puisant dans le glamour suranné d’un certain formalisme 90’s (Wong Kar-wai en tête), le film n’a pas peur du beau, du sentimental, de l’étreinte furieuse et nécessaire qui fait couler les larmes. On frissonne alors devant cette réalité brute, crue, faite de coups et de bosses, qui pourtant décolle, inspire, transcende le politique et le fait divers pour donner au monde une beauté romanesque et poétique, à l’image du formidable personnage de Juan (bouleversant Mahershala Ali), médiocre dealer de crack, gangster grandiose, cow-boy chevaleresque et figure paternelle. C’est toute la complexité d’un film qui décide de ne pas choisir entre l’impact du réalisme et la puissance émotionnelle de la stylisation, mais de mener les deux de front avec une maîtrise sidérante. Elle culmine dans un dernier acte majeur où la plus belle intimité se mêle à un sens du cadre et de l’espace grandiose. Il fallait bien un film audacieux, profondément pudique, gracieux et politique, pour faire le portrait de ce garçon à part qui découvre finalement qu’être différent, c’est on ne peut plus normal. Magnifique.

De Barry Jenkins. Avec Alex R. Hibbert, Ashton Sanders, Trevante Rhodes, Mahershala Ali. États-Unis. 1h51. Sortie le 1er février

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