AMERICAN HONEY : chronique

07-02-2017 - 19:07 - Par

AMERICAN HONEY : chronique

Se souciant trop de son look et de ce qu’on pense de lui, AMERICAN HONEY est un faux film punk, à peine romanesque.

AmericanHoney-PosterLa Britannique Andrea Arnold est partie filmer l’Amérique pour un road movie, si loin si proche du « Sur la route » de Jack Kerouac, avec ses personnages un peu tapés et ses expériences quasi mystiques. Ici, Star (la jeune héroïne ayant fui sa misérable existence en prenant la tangente avec un groupe de jeunes vendeurs au porte à porte) sillonne des États américains, mais pas n’importe lesquels : ceux du cru. Arkansas, Oklahoma, Kansas… Le sujet central de AMERICAN HONEY se veut fondamental: le rêve américain, ce n’est décidément pas pour tout le monde. Voilà qui enfonce une bien belle porte ouverte. Heureusement, au-delà du regard politique vitreux, il y a une histoire d’amour passionnelle et contrariée entre Star et Jake, soit Sasha Lane, la révélation, et Shia LaBeouf, qui asseoit avec insolence un talent monstre tant tout, dans son corps et dans son regard, transpire d’émotions et de sentiments. Le reste n’est que chansons illustratives (des raps qui parlent d’argent, des morceaux folk un peu chauvins et du Bruce Springsteen) et symbolisme lourd (une passe près d’un gisement de pétrole achèvera de dépeindre une Amérique à deux vitesses). Parce que ci-gît l’Amérique grandiose du Cinémascope, Andrea Arnold filme en 4/3 des vies trop étriquées, une liberté amère et des perspectives d’avenir réduites. AMERICAN HONEY emprunte donc à l’esthétique d’Instagram. La cinéaste glamourise une Amérique pauvre et marginale. Mais là où elle aurait pu se placer sous l’aile d’Harmony Korine, Gus Van Sant ou Larry Clarke, les maîtres à penser quand on parle de cette Amérique là, elle emprunte au final à toute l’imagerie qui a galvaudé l’univers plastique de ces réalisateurs: AMERICAN HONEY, film Vice ? Malheureusement. Quand deux des personnages secondaires finissent par adopter un chien, ça saute aux yeux : le pit- bull, c’était tout ce qui manquait au décorum. Pour le reste – cheveux sales, débardeurs dégueulasses, dents en moins, tatouages à outrance, feux de joie et anticonformisme de façade –, tout y est. À part le photographe payé une fortune pour immortaliser sur papier glacé cette Amérique white trash et publier ça dans un coffee table book. Andrea Arnold s’attache à une Amérique plus publicitaire qu’authentique. Forcément, à force d’être fabriqué, le film aboutit souvent à des plans d’une beauté foudroyante. Mais tout ça est délayé dans un long-métrage de 2h40, et sous lequel, on est sûrs, se cache un fabuleux film de 1h55. On a bien songé un temps que cette communauté d’idéalistes virerait sucette, ce qui aurait pu davantage structurer le film et lui donner un petit air de LA PLAGE sans la mer. Mais même pas.

D’Andrea Arnold. Avec Sasha Lane, Shia LaBeouf, Arielle Holmes. États-Unis/Grande-Bretagne. 2h44. Sortie le 8 février

2Etoiles

 

 

 

 

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