TUNNEL : chronique

03-05-2017 - 09:14 - Par

TUNNEL : chronique

Un drame « catastrophe » et claustrophobe, malicieusement imbriqué dans la charge politique. Énervé juste comme il faut.

Tunnel-PosterLe scandale de la Présidente Park Geun-hye n’avait pas encore éclaté pleinement quand la Corée du Sud a pris TUNNEL en pleine face. Le film souligne la médiocrité d’une classe politique veule et fate, mais après tout, les puissants doivent commencer à avoir l’habitude. Le cinéma sud-coréen soigne encore les plaies de la catastrophe du Sewol après avoir si longtemps pansé celles de la dictature, et n’est jamais très tendre avec les institutions. Mais ici, la charge est moins frontale ou sinistre que sarcastique et ironique. Car Kim Seong-hun, déjà réalisateur de HARD DAY (présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 2014), fait du cinéma qui gratte et qui rigole, histoire de se mettre le public dans la poche. L’opération séduction de TUNNEL est une réussite. Kim Seong-hun s’arroge les services de l’un des meilleurs acteurs coréens actuels : Ha Jung-woo (THE CHASER, MADEMOISELLE). Il joue un père de famille pressé, en route pour fêter l’anniversaire de sa fille. Quand sa berline s’introduit dans un tunnel flamblant neuf, la voûte s’effondre. Il est coincé sous des tonnes de gravas, avec un gâteau et deux bouteilles d’eau. Vous pourriez vous attendre à un film cafardeux et tragique, mais Kim Seong-hun est plus joueur que ça. L’autoradio capte certaines stations et Jung-soo, notre victime, a même du réseau sur son portable. Il n’est donc pas totalement coupé de sa femme (Doona Bae, formidable) ni de Dae-kyoung (génial Oh Dal-su), à la tête des secours. Sous le regard des caméras de tout le pays, une opération de sauvetage d’une ampleur hors norme se met en branle, d’abord humaine puis rapidement politique. Deux films se côtoient en harmonie: il y a d’un côté le survival dans la carcasse de la voiture, porté seul (ou presque) par un Ha Jung- woo d’une subtilité inouïe, et qui ne peut que remporter l’empathie d’un spectateur qui pleure et rit avec lui. Modèle de mise en scène en milieu étriqué, cette partie est un roller coaster émotionnel fantastique. Du cinéma épique à échelle micro. En parallèle et au grand jour, se joue un thriller catastrophe, plein de drama familial et de petites manœuvres. TUNNEL est moins spectaculaire dans ce qu’il montre que dans ce qu’il ambitionne d’être : un gros divertissement qui propose en 2 heures de balayer plusieurs genres, une foultitude d’émotions et la médiocrité générale qui mène un pays à sa perte. Certes, TUNNEL se laisse aller, à quelques reprises, au sentiment et à la manipulation faciles. Mais comme le cinéma américain, le cinéma sud-coréen peut être commercial sans transiger sur sa sagacité ou sur son écriture, complète et implacable.

De Kim Seong-hun. Avec Ha Jung-woo, Doona Bae, Oh Dal-su. Corée du Sud. 2h06. Sortie le 3 mai

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