BABY DRIVER : chronique

19-07-2017 - 09:36 - Par

BABY DRIVER : chronique

Pour son premier film tourné aux États-Unis, Edgar Wright fait muter son cinéma. De commentateur postmoderne, il se fait ici jouisseur au premier degré et embarque le spectateur dans une expérience échevelée de cinéma.

Baby (Ansel Elgort), petit génie de la conduite, met ses talents au service de la pègre d’Atlanta et cale l’intégralité de son existence sur ses musiques préférées afin d’oublier ses terribles acouphènes. Son quotidien va être bouleversé quand il tombe amoureux de Debora (Lily James). Entre l’amour et le crime, il va devoir choisir. Avant de la concrétiser, Edgar Wright a nourri et fantasmé pendant plus de vingt ans l’idée de BABY DRIVER, à savoir de suivre un personnage de film d’action dont chaque fait et geste, du plus anodin au plus spectaculaire, serait mû par la musique. En 2002, il était même allé jusqu’à la tester dans un clip vidéo. Sans doute qu’en dépit de son histoire simple et directe, BABY DRIVER, hybride d’actioner et de comédie musicale, nécessitait de Wright qu’il soit en totale possession de ses moyens. Avec ce nouveau projet, cet expérimentateur de formes aimant commenter, parodier, refaire les genres qui ont formé sa cinéphilie, aboutit à une sorte de complétude. En effet, BABY DRIVER va encore plus loin que ses travaux précédents. Il se jette à corps perdu dans une iconographie, mythologique et protéiforme, du cinéma américain et, alors qu’il plaçait auparavant tout à une distance tantôt ironique tantôt mélancolique, il joue ici la carte du premier degré. Après avoir rejoué ses films préférés dans un bel élan postmoderne, Wright en réalise un. Un grand-geste qui fait de BABY DRIVER un spectacle redoutable d’efficacité d’autant que, lancé dans un renouvellement constant de ses enjeux et de sa nature, le film se remixe lui- même en temps réel – en sautant de genre en genre (car chase movie, musical, film de casse, romance criminelle, horreur typique des 80’s…) ou en utilisant différentes versions d’une même chanson. Impressionnant de maîtrise, BABY DRIVER tient alors du monstre intimidant : qu’il aligne une course poursuite parfaitement découpée, une longue danse en plan-séquence, une fusillade en rythme sur un instrumental rock débridé, une confrontation sanglante jusqu’au grotesque sur un solo de guitare, Wright fait preuve d’un appétit de cinéma et de musique frénétique. Il n’y a pourtant rien de foutraque mais une volonté, précisément accomplie, de partager des émotions simples autant que des sidérations. BABY DRIVER est un climax de près de deux heures, qui, en dépit de son impétuosité, n’a rien de démonstratif et se révèle d’une grande élégance – à l’image de son duo vedette, Ansel Elgort et Lily James. Le plaisir de BABY DRIVER découle enfin de la capacité d’Edgar Wright à rendre profondément personnel ce mash-up visuel et sonore, sans doute parce qu’il s’amuse des archétypes pour les déjouer et subvertit avec malice certaines des attentes du public. Si bien que le film, sans doute le plus radical mais le plus généreux de sa carrière, prend presque les atours d’une émancipation : auparavant, les héros de Wright semblaient parfois obligés de revendiquer leur culture pop pour vaincre leurs inquiétudes et laisser une trace. Baby, lui, incarne déjà la pop culture et triomphe de tout cynisme, de toute ironie, en étant lui-même et uniquement lui-même.

D’Edgar Wright. Avec Ansel Elgort, Lily James, Jon Hamm, Jamie Foxx, Kevin Spacey, Eiza González, Jon Bernthal. Royaume-Uni/États-Unis. 1h53. Sortie le 19 juillet

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