LES PROIES : chronique

23-08-2017 - 08:59 - Par

LES PROIES : chronique

Sofia Coppola repart de Cannes avec le prix de la mise en scène pour son film le moins audacieux mais le plus carré.

Quand la fin d’un film semble arriver trop tôt, c’est soit parce qu’il nous a procuré un plaisir et une joie intenses qu’on voudrait éternels, soit parce qu’il a un sérieux souci de vide. À son rythme languide, LES PROIES (« remake » du film de Don Siegel de 1973) raconte comment, dans un État du sud des États-Unis, en pleine guerre de Sécession, la directrice d’un pensionnat de jeunes filles (Nicole Kidman, formidable évidemment) recueille un soldat de l’Union blessé à la jambe (Colin Farrell, qu’on a connu en meilleure forme). De la plus innocente des fillettes à la plus mature des femmes, elles tombent sous le charme de ce bellâtre. Il devient l’ami d’une petite, le fantasme absolu d’une ado (Elle Fanning), le preux chevalier d’une femme sans illusion (Kirsten Dunst et son talent redoutable). D’abord objectifié – le film fait penser à tort qu’il traitera le féminisme de manière subtile –, le caporal va reprendre le dessus sexuel. C’est la fin de l’idylle entre l’invité et ses hôtes. Plus branché « guerre des sexes » qu’il n’est vraiment politique, LES PROIES opte certes pour le point de vue féminin, mais sans mordant. Il y a bien des scènes de séduction massive un peu coquines pour épicer la dimension thriller, mais dès que Sofia Coppola pourrait créer le malaise, elle s’en détourne par timidité. Aucun érotisme, aucune violence, aucun féminisme intelligent non plus : notre groupe de femmes se dépatouille de sa condition, notre homme fait l’outragé et les vaches sont bien gardées. Par ici un beau plan, par là une réplique à double sens qui fait du bien à nos oreilles et provoque un rire sincère, et partout du jeu de haut niveau. LES PROIES, en 1h30 chrono, nous rappelle qu’il ne faut pas chercher les femmes sous peine d’en attirer l’ire, que leur colère est dévastatrice et que l’homme déploie une violence terrible lorsque sa fierté est décidément mal placée. Sans être inintéressant, le propos n’est pas pour autant très grinçant. Beau à regarder (le chef opérateur Philippe Le Sourd y est pour beaucoup), admirable dans sa tenue générale (Sofia Coppola a raflé le prix de la mise en scène à Cannes sans qu’on comprenne vraiment pourquoi), mais trop éthéré, LES PROIES manque de chair, de nerf, de subversion, de prise de position. Il est vrai que c’est un pur film de Sofia Coppola, mais le sujet n’est pas franchement soluble dans son cinéma chic. Alors quand le générique de fin arrive, on l’accueille sans colère, ni soulagement. On l’accueille c’est tout, un peu circonspect face à cette proposition.

De Sofia Coppola. Avec Nicole Kidman, Colin Farrell, Kirsten Dunst. États-Unis. 1h31. Sortie le 23 août

2Etoiles5

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.