LE FIDÈLE : chronique

01-11-2017 - 16:25 - Par

LE FIDÈLE : chronique

Un malaise et un faux rythme permanents plombent le nouveau film de Michael Roskam : une terrible déception.

Difficile d’avoir prise sur LE FIDÈLE, le très attendu nouveau film de Michael Roskam. Son premier long-métrage en flamand, BULLHEAD, était certes sinueux, mais il apparaissait au final comme une masse compacte de cinéma charnel et introverti, film noir rural et brutal. QUAND VIENT LA NUIT, premier essai en langue anglaise, était un thriller new-yorkais au carré, presque un néo-classique. Si Roskam revient en Belgique, il imagine pourtant une histoire en français, une langue qui a tendance à raidir et empeser les gestes artistiques les plus instinctifs et viscéraux. Ce qui prend d’abord la voie d’un polar à la Michael Mann va vite dégénérer en psychodrame passionnel, lorgnant vers du mauvais Lelouch. On espère toujours que Roskam soit frappé par l’esprit d’un Jacques Audiard à mi-parcours, mais le film s’enlise, par les dialogues et les fausses pistes, dans un cinéma français lourd et bourgeois. Comment cette histoire assez musclée, musculeuse, en force, d’un indécrottable braqueur (Matthias Schoenaerts) amoureux d’une pilote (Adèle Exarchopoulos) peut-elle soudain se recroqueviller en mélo geignard et artificiel? D’un côté, le scénario de Thomas Bidegain (dont on goûte peu le travail récent sur LES COWBOYS ou DEEPHAN), fantasmé comme un récit d’une ampleur telle qu’il est séparé en trois actes (se révélant totalement préfabriqués), épuise le romanesque, se débarrasse étrangement de personnages présentés comme essentiels et vire de manière un peu factice vers le gangster movie albanais. De l’autre, Roskam peine à diriger ses acteurs en français – Matthias Schoenaerts, peu convaincant, et Adèle Exarchopoulos, dont le jeu terrien fonctionne magnifiquement pendant une petite heure, sont entourés de seconds rôles faiblards – et il surligne en gras des dialogues trop signifiants ou qui, au contraire, n’auront finalement aucune importance. En essayant désespérément de bricoler un film de mafia, scénariste et réalisateur en oublient de développer un héros plein de promesses, et avortent la plupart des explications sur sa psychologie. Ce garçon que de nombreuses blessures ont rendu complexe finit comme un gentil idiot, qu’on a du mal à aimer. Le récit souffre de trous noirs, d’accélérations arbitraires, comme si, entre un début efficace et une fin assez poétique (qui rappelle sur le coup l’impeccable court-métrage de Lelouch, RENDEZ-VOUS), il avait fallu remplir et rentrer aux forceps une histoire trois fois trop imposante. Roskam n’a pas perdu son goût esthétique ni son sens impressionnant de la lumière, mais s’est étrangement effacée sa redoutable efficacité.

De Michael Roskam. Avec Adèle Exarchopoulos, Matthias Schoenaerts. Belgique/France. 2h10. Sortie le 1er novembre

2Etoiles

 

 

 

 

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