THELMA : chronique

22-11-2017 - 14:20 - Par

THELMA : chronique

Joachim Trier délaisse le réalisme pour s’attaquer au genre, entre CARRIE et CHARLIE. Très convaincant.

Un père et sa petite fille se baladent dans d’immenses étendues enneigées et glacées. Dans une forêt attenante, ils surprennent un grand cerf. La beauté et la noblesse de l’animal fascinent l’enfant. Le père lève son fusil et met en joue sa progéniture. Coupe. Générique. En quelques instants comme suspendus – plus jamais il n’y reviendra –, Joachim Trier insuffle à THELMA une grande puissance et autant d’étrangeté, notamment par la force d’un symbolisme opposant l’homme à l’animal, l’innocence à la violence. Si le cinéaste danois (OSLO 31 AOÛT, BACK HOME, tous les deux projetés à Cannes) signe avec son quatrième long-métrage un nouveau récit d’apprentissage explorant le trouble et l’énergie de la jeunesse, jusqu’à ses excès, il délaisse le réalisme terre-à-terre qui caractérisait jusqu’à présent ses films pour plonger tête baissée dans le cinéma de genre. Et le fait avec appétit et curiosité, sans la moindre distance ou condescendance de l’auteur européen jouant au plus malin. Thelma (Eili Harboe, toute en retenue et tension), jeune femme solitaire et réservée, quitte le cocon familial pour étudier à Oslo. Élevée dans une grande rigueur religieuse, elle se heurte au mode de vie de ses camarades – l’alcool, la drogue, la fête. Mais ce fossé culturel n’est rien par rapport au trouble qu’elle ressent lorsqu’elle rencontre Anja, dont elle tombe amoureuse. Bientôt, la vie de Thelma devient infernale : des crises d’épilepsie de plus en plus violentes l’assaillent tandis qu’autour d’elle, des événements étranges ont cours. Loin de se limiter à une simple métaphore sur le surgissement incontrôlable d’un désir refoulé par les digues d’une éducation religieuse, THELMA a le mérite de creuser son sujet, menant toujours plus loin l’introspection de sa protagoniste qui, d’enquête intime, va vite évoluer vers une enquête tout court. Avec un rigorisme tout scandinave, Trier construit patiemment le récit, l’ambiance et l’identité de THELMA. En une succession d’images intenses (du sang dans du lait, un serpent pénétrant une bouche, une suspension dans les ténèbres d’un lac, etc), il met en scène la souffrance psychologique et émotionnelle de manière physique, tangible et donne ainsi vie et relief à la solitude touchante de Thelma, à ses sentiments et souvenirs refoulés, à ses envies d’émancipation. Mais aussi à ses zones d’ombre morales. Du fantastique qui a du corps, du cœur et de l’ambition et que ne renierait sans doute pas Stephen King.

De Joachim Trier. Avec Eili Harboe, Okay Kaya, Henrik Rafaelsen. Norvège/Danemark/France. 1h56. Sortie le 22 novembre

4Etoiles

 

 

 

 

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