BIENVENUE À SUBURBICON : chronique

06-12-2017 - 14:37 - Par

BIENVENUE À SUBURBICON : chronique

Malgré son propos féroce et actuel, le nouveau George Clooney peine au niveau de l’exécution.

En dépit d’un sujet en or taillé pour son cinéma conscient et élégant, George Clooney avait trébuché sur MONUMENTS MEN, pochade sans ampleur. Qu’il revienne avec un projet coécrit par les frères Coen dont le décor n’est autre que les banlieues résidentielles des 50’s, vitrine (trop) parfaite de l’American Way of Life, laissait augurer un sursaut du cinéaste. Et c’est en partie le cas. BIENVENUE À SUBURBICON reconnecte Clooney à ce qu’il sait le mieux faire : questionner son pays, ses fondements, ses valeurs, ses contradictions. Le récit se compose de deux intrigues : la principale suit comment la vie d’un père de famille (Matt Damon) dérape lorsque des cambrioleurs tuent son épouse (Julianne Moore) tandis que la secondaire s’intéresse à la manière dont son quartier réagit à l’arrivée d’une famille noire (spoiler : très mal). Le problème de BIENVENUE À SUBURBICON ne réside ni dans son intention, ni dans son propos, mais dans la manière dont Clooney se débat avec le ton et le récit. Ainsi, le premier acte laisse la désagréable impression que quelque chose cloche : la narration manque de puissance et de rythme, elle apparaît curieusement bancale, comme si le film cachait (mal) son jeu ou ne savait sur quel pied danser – le thriller, la comédie ou les deux ? Très vite, la raison de ce décalage fortuit apparaît claire : un plan trop insistant dans une scène clé a trop vite dévoilé les tenants de l’intrigue principale, la privant de tout élément de surprise et, par ricochet, de mordant. Le spectateur prend constamment de l’avance sur le récit et là, le point de vue adopté par le réalisateur – celui d’un garçonnet au demeurant remarquablement interprété par Noah Jupe –, même s’il relaie l’idée de fin de l’innocence, joue contre lui. Au point que Clooney l’abandonne en cours de route, avant de s’en ressaisir dans le dernier acte. Une inconstance à l’image d’un film si peu sûr de lui qu’il finit même par surligner un propos déjà limpide – qui a le mérite d’être féroce et actuel. Incapable de convoquer à l’écran la folie acide des Coen et l’étrangeté de leur amour pour les losers, George Clooney se rattrape un peu lors d’une longue et magnifique séquence macabre dans le troisième acte, où il rejoue avec brio et passion l’imagerie des meilleurs polars des années 50. Pas suffisant, surtout pour un talent de sa trempe, mais de quoi sauver un tant soit peu ce maladroit conte politique et moral.

De George Clooney. Avec Matt Damon, Julianne Moore, Oscar Isaac. États-Unis. 1h45. Sortie le 6 décembre

2Etoiles5

 

 

 

 

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