LA MORT DE STALINE : chronique

03-04-2018 - 16:19 - Par

LA MORT DE STALINE : chronique

Armando Iannucci persiste dans la satire politique mais quitte le contemporain pour aborder le passé.

En 1953, l’heure est à la musique classique sur Radio Moscou. Alors que le 3e mouvement d’un concerto pour piano de Mozart s’achève et que le public et les musiciens commencent à partir, le téléphone sonne. Staline, en personne, réclame une copie du spectacle. Panique : rien n’a été enregistré. Dans une précipitation folle, motivée par l’adrénaline des instants de vie ou de mort, le directeur de la station (Paddy Considine) tente de recréer l’ambiance du récital en transformant la salle en prise d’otages, empêchant les artistes de sortir et allant chercher des inconnus dans la rue pour remplir les sièges déjà vides afin d’obtenir une acoustique similaire. « Je vous promets que vous ne vous ferez pas tuer », dit-il pour inciter les quidams à entrer. Cette scène d’ouverture, anecdote flippante, hilarante mais bien réelle, condense à elle seule les enjeux létaux et le ton tragi- comique de LA MORT DE STALINE. Avec cette adaptation du roman graphique éponyme des Français Fabien Nury et Thierry Robin, Armando Iannucci fait ce que l’héroïne de VEEP, Selina Meyer, pourrait appeler « de la continuité avec du changement ». Génie de la satire de THE THICK OF IT à la série multiprimée de HBO en passant par IN THE LOOP, le réalisateur et scénariste écossais n’est pas étranger à la violence politique, entre coups de poignards dans le dos, mots assassins et têtes coupées. Mais si jusqu’à présent dans ses œuvres ces expressions n’étaient que rhétoriques, elles prennent un sens littéral quand il s’agit de parler du régime stalinien. Le film suit les derniers instants du dictateur soviétique et le ballet fou qui s’en suit pour sa succession. La terreur provoquée par les méthodes du Petit père des peuples est tellement implantée dans le cerveau et les entrailles des conspirateurs que chaque visage devient un masque (tragique ou comique), chacun une caricature, la mort un bon mot comme un autre. C’est cet équilibre dans l’absurdité des comportements provoqué par un contexte sinistre qu’Armando Iannucci parvient à trouver. Il est aidé d’un casting brillant allant de Steve Buscemi à Jeffrey Tambor en passant par Michael Palin et l’inconnu mais immanquable Simon Russell Beale. Ce mélange d’accents américains et britanniques, s’il surprend, laisse aussi entrevoir l’absence de frontière du totalitarisme. Mais Iannucci n’est pas si terne. Dans la scène d’intro, la pianiste star Maria Yudina (Olga Kurylenko) profite du moment de confusion pour glisser un petit mot vengeur à l’encontre de Staline dans l’enveloppe du vinyle. Ce sera la dernière chose qu’il verra. L’art comme résistance.

D’Armando Iannucci. Avec Steve Buscemi, Simon Russell Beale, Jeffrey Tambor. États-Unis/France/G-B. 1h48. Sortie le 4 avril

4Etoiles

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.