RED SPARROW : chronique

03-04-2018 - 16:25 - Par

RED SPARROW : chronique

Dans la veine de John Le Carré, un thriller d’espionnage très « graphique » et dégraissé d’action superflue.

En dialoguant en permanence avec la réalité, RED SPARROW s’offre une place à part dans le cinéma de studio contemporain. À un niveau politique, il réifie les relations très compliquées que le peuple américain entretient avec la Russie actuellement et ressuscite un certain cinéma de la Guerre froide, voire un cinéma de propagande. Ici, dans un manichéisme très hollywoodien et comme un billet d’avertissement à quiconque s’acoquinerait avec le Kremlin (hum hum), les services secrets russes sont l’entité à combattre. Ce qui sépare la raison d’état des Américains et la leur résiderait dans la morale… La CIA n’est peut-être pas blanc- bleu, les Russes, eux, forment des espions par la coercition et disposent à leur guise de leurs agents. Ils les forcent à travailler par la séduction, par le sexe, avec le corps. S’il y a bien un symbole du mal absolu dans la société occidentale actuelle et d’autant plus à Hollywood, accélérateur de conscience, c’est bien l’objectification ou la marchandisation du corps féminin. Et qui se charge d’incarner la parabole ? Jennifer Lawrence, l’une des actrices américaines les plus puissantes et celle dont le corps a été bafoué lorsqu’un hacker a dérobé puis mis en ligne aux yeux de tous des photos d’elle nue. Mais RED SPARROW, interdit aux moins de 17 ans non accompagnés outre-Atlantique, ne se dresse pas comme l’étendard d’une néo-pudibonderie : en incarnant une ancienne danseuse étoile du Bolchoï qui perd la jouissance de son propre corps pour mieux se le réapproprier, Jennifer Lawrence, sans peur face à la nudité de son personnage, opère une résilience physique et psychique qui l’érige en symbole féministe. Le film, lui, est suffisamment bien tourné pour qu’on en oublie un peu le chauvinisme. Les enjeux se déplacent doucement et plus que plaindre cette victime d’un système russe totalement abject (!), on finit par soutenir la victime d’un système patriarcal dangereux. Du bon côté de la virilité, le personnage d’agent de la CIA joué par Joel Edgerton qui veut absolument sortir la pauvre Dominika de cette sale situation. Ça part d’un bon sentiment : c’est un homme, et il est américain. Comment cette jeune espionne pourrait ne pas avoir besoin de son aide ? Démarre alors un flamboyant double jeu entre les deux – les face-à-face entre Edgerton et Lawrence montrent chez chacun une subtilité d’interprétation assez rare. Passé l’embarras de voir des acteurs américains ou européens adopter l’accent russe – avec un tel scénario, les acteurs du cru n’ont pas dû se ruer aux auditions –, RED SPARROW se déploie comme un divertissement diabolique.

De Francis Lawrence. Avec Jennifer Lawrence, Joel Edgerton, Matthias Schoenaerts. États-Unis. 2h21. Sortie le 4 avril

4Etoiles

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.