DOGMAN : chronique

11-07-2018 - 10:19 - Par

DOGMAN : chronique

Matteo Garrone retrouve l’inspiration et offre à son acteur un prix d’interprétation au dernier Festival de Cannes.

 

Le souvenir du choc GOMORRA devenait lointain. Plus persistants, celui contrasté, au pire douloureux, de REALITY et de TALE OF TALES (tous présentés en compétition à Cannes) et celui d’un réalisateur de folklore qui ne nous avait pas fait vibrer depuis une grosse dizaine d’années. Avec DOGMAN, Matteo Garrone fait toujours du cinéma très italien mais les hommages aux maîtres (notamment Fellini) sont plus organiques, intégrés avec discrétion dans un socioréalisme retors, moins forcé. Le décor du film est quasiment unique: un quartier délabré du bord de mer où reposent des cadavres de fête foraine entre des bâtiments décatis et un casino souffreteux. Le sable s’envole en tourbillon, poussé par le vent, et les balançoires grincent du grincement d’IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST. Dans ce vestige de Coney Island à l’italienne, le western urbain va être total. Un fauteur de troubles va faire régner la terreur. Dans la guerre psychologique et ultraviolente qui va opposer ce cocaïnomane et les honnêtes hommes du quartier, Marcello, toiletteur pour chiens et brave type, ne va pas oser lui tenir tête et, implicitement, choisit le camp du plus fort. Il peut amadouer le plus agressif des dogues argentins (superbe scène d’ouverture) mais les bullies qui harcèlent et humilient, Marcello les craint. Avec sa photo racée, sa mise en scène ample et ses décors de fin du monde, DOGMAN est aussi crépusculaire que sophistiqué. Tout captive, des couleurs passées à l’image de cette cité de béton comme enfouie dans la mer, en passant par la population canine, nombreuse, stoïque, fidèle. Fondamentalement politique dans ce qu’il dit des déclassés d’Italie et de l’humiliation qui mène à la folie quand aucun système ne protège plus, DOGMAN est une longue descente aux enfers d’un personnage aux grands yeux tragiques. La noirceur du film est radicale et jamais Garrone ne cédera aux sirènes du sentimentalisme. Accroché jusqu’au bout à son propos, il fait des choix de récit extrêmes mais toujours justes pour son histoire, au risque d’étouffer les spectateurs sous une conception noire de la société d’aujourd’hui. DOGMAN suit la voie de la colère et seulement celle-là, jusqu’à la folie, jusqu’à un certain surréalisme circassien. Si bien qu’il est glaçant mais ne décolle jamais vers aucune poésie. C’est dommage car doté d’un peu plus de romanesque, il aurait pu être de ces chefs- d’œuvre contemporains désespérés, reflets de notre époque à l’abandon, au virilisme destructeur. En l’état, il est d’une maîtrise incroyable mais il manque d’émotion. À défaut d’élévation, c’est une pure chronique du bitume.

De Matteo Garrone. Avec Marcello Fonte, Edoardo Pesce, Alida Baldari. Italie. 1h42. Sortie le 11 juillet

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