LA TENDRE INDIFFÉRENCE DU MONDE : chronique

25-10-2018 - 07:35 - Par

LA TENDRE INDIFFÉRENCE DU MONDE : chronique

Derrière une tendre romance platonique, le portrait féroce d’une société qui corrompt tout. Superbement mis en scène.

 

À la mort de son père, la jeune Sultanat est obligée de partir à la ville pour éponger les dettes familiales et se marier à un riche homme d’affaires. Pour la protéger, son ami d’enfance Kuandyk, qui l’aime en secret, part avec elle. Une fois sur place, ils découvrent que le monde est encore plus cruel et corrompu qu’ils ne le croyaient à l’origine… Avec LA TENDRE INDIFFÉRENCE DU MONDE – superbe titre emprunté à Camus –, le cinéaste kazakh Adilkhan Yerzhanov démontre qu’une grande férocité ne requiert ni fureur ni effusion. Languide, souvent silencieux, son film suit, placide, la manière dont Sultanat et Kuandyk se confrontent au monde. On aurait dû s’en douter : Yerzhanov débute LA TENDRE INDIFFÉRENCE DU MONDE avec l’image, forte et forcément évocatrice, d’une coulée de sang sur une fleur – la juxtaposition de la violence et de l’immobilité. Débute alors une véritable démonstration visuelle. Si le réalisateur use principalement de longs plans fixes ou subtilement animés de discrets travellings, sa mise en scène s’avère particulièrement vivace, vibrant d’idées particulièrement marquantes – son talent de composition, évident, sert notamment cette idée picturale remarquablement exécutée de triptyques dans presque chaque cadre. Baignées de lumière et soulignées par un beau travail de saturation des couleurs (ces rouges !), ces idées de mise en scène donnent à LA TENDRE INDIFFÉRENCE DU MONDE un lustre presque irréel – dans une des premières scènes, la simple pose de Sultanat en pleine nature a des atours de dioramas de musée. Un écrin particulièrement élégant qui s’ouvre sur le portrait acerbe d’un monde rongé par la quête de profit et le mensonge, d’une société corrompue qui asservit les cœurs purs et les pousse à se salir. Pourtant, grâce à ses deux superbes héros, la volontaire Sultanat et le rêveur Kuandyk, faux candide que l’on croirait sorti de L’ÉTÉ DE KIKUJIRO et pour qui « rien n’a d’importance sauf l’amour car tout prend fin, sauf l’amour », LA TENDRE INDIFFÉRENCE DU MONDE ne sombre pas entièrement dans le nihilisme : tant que des êtres aussi solaires, prêts à dire non, parcourront le monde, rien n’est perdu.

De Adilkhan Yerzhanov. Avec Dinara Baktybayeva, Kuandyk Dussenbaev. Kazakhstan. 1h39. Sortie le 24 octobre

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