Cannes 2019 : TOO OLD TO DIE YOUNG / Impressions

19-05-2019 - 13:17 - Par

Cannes 2019 : TOO OLD TO DIE YOUNG

De Nicolas Winding Refn. Sélection officielle, Hors Compétition.

 

Synopsis officiel (traduit) :  L’inspecteur de Los Angeles Martin vit une double existence puisqu’il est également tueur à gages. Sous l’emprise de Viggo, un mystérieux vigilante aux visions apocalyptiques, Martin traverse une crise existentielle qui le mène de plus en plus profondément dans un univers de violence, de sang et de meurtre. Une odyssée des plus sombres durant laquelle il va également croiser deux frères satanistes…

 

Nicolas Winding Refn (ou NWR, ou peut-être maintenant #BYNWR à en croire le sigle qui ouvre sa série) aime bien faire son intéressant. On attendait donc sa série avec impatience, en imaginant que le cinéaste allait trouver avec ce nouveau terrain de jeu un bac à sable à joyeusement saccager. Le résultat laisse plus perplexe qu’autre chose.

Déjà le dispositif cannois : ne montrer que l’épisode 4 et 5. Une nouvelle façon pour Refn de faire son malin, de se dérober à toutes les règles, qui n’apporte rien et lui permet de se planquer derrière un écran de fumée. En montrant deux épisodes situés en plein milieu d’une structure plus vaste, c’est comme si Refn retirait aux spectateurs cannois le droit d’avoir un avis. On a l’impression de ne voir qu’un fragment, pas même la sensation d’un début ou d’un épilogue. Juste une portion, le parfum lointain de TOO OLD TO DIE YOUNG sans pouvoir en saisir la teneur. On espérait que tout ça ait du sens, que Refn nous réserve des surprises. Ou au moins que cette fragrance #BYNWR donne l’eau à la bouche. En l’état, on n’a toujours pas compris ce choix. À moins qu’il juge que ces 2 épisodes soient les meilleurs… Et là…
Car au fond, si on prend ce que nous a donné à voir Refn, c’est un sentiment curieux et guère stimulant de déjà vu qui prédomine. Personnages masculins apathiques sur fond de néon rougeoyant, violence gratuite minimaliste, dialogues soporifiques à base de considérations philosophiques vaseuses sur le bien et le mal, du sexe glacé vaguement cracra et de la musique électro. Un menu best of qui frôle (volontairement ?) la caricature. Darius Kondji a beau être un génie du cadre et de la lumière (il y a des plans indéniablement magnifiques), Refn accouche encore et toujours de la même imagerie. Un maniérisme évidé de Lynch peuplé de silence et de building, de nuit noire et de lumière de la ville où des ectoplasmes de personnages vivent au bord du réel. Mais là où les néons de LOST HIGHWAY ouvraient jadis sur l’étrange et la rêverie, là où le monde parano et menaçant de MULHOLLAND DRIVE dévoilait un labyrinthe intime déchirant, chez Refn tout ça n’est qu’un décorum. C’est beau oui mais qu’est-ce que ça dit ? Rien. De l’esthétisme glacial profondément stérile car uniquement cosmétique.

Comme Ryan Gosling à l’époque, Miles Teller fait la gueule (parce que c’est plus simple que de devoir construire et animer un personnage ?), dégomme des types, rentre dans des sous-sols interlopes et ânonne des répliques définitives sur la fin de l’innocence. Soit. Rien de neuf sous les néons de NWR, donc. Les fans trouveront ça fabuleusement syncrétiques, les autres s’ennuieront poliment. Et c’est peut-être ce qui désole le plus. A grand renfort de scènes malaisantes sur fond de domination sexuelle et de prédation perverse, Refn croit peut-être encore nous mettre mal à l’aise, nous choquer. Flics fascistes, père incestueux, pornographes sadiques, désir plus ou moins interdit (grosse fascination encore et toujours pour les très jeunes filles), mafieux ultra violents, la galerie de monstres est au complet et Refn soigne ses horreurs. Mais tout ça ressasse encore les mêmes tropismes de virilité inquiète (Refn est toujours obsédé par ce qui se cache derrière les braguettes) et de pervers polymorphe doloriste qui tripe sur les images et se flagelle en même temps. Il y a quelque chose de profondément dépassé et stérile dans ce cinéma qui pense encore pouvoir se réfugier derrière les ors rouillés du pulp movie pour mettre en scène ses fantasmes masculins cradingues. Non pas moralement (quoiqu’on pourrait suggérer à Refn de mettre un peu de nuance et d’ouvrir les fenêtres de ses fantasmes étriqués vaguement homo-érotiques) mais cinématographiquement parlant. Du cinéma auto-maniériste, de la redite de soi quasi onaniste qui donne l’impression de tomber nez à nez avec un exhibitionniste qui ouvre son grand imper dans la vide.

Si elle offre un espace de liberté par le déploiement du temps, la série est un art exigeant qui fonctionne comme une loupe. Au vu de ces deux épisodes, on craint que TOO OLD TO DIE YOUNG ne grossisse et ne mette en lumière que le système vain et vaniteux d’un auteur qui se regarde tourner. En rond.

Série créée et réalisée par Nicolas Winding Refn. Avec Miles Teller, John Hawkes, Nell Tiger Free. Etats-Unis. Sur Amazon Prime Video le 14 juin

 

 

 

 

 

 

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