DRUNK : chronique

13-10-2020 - 15:38 - Par

DRUNK : chronique

Un film d’une belle sobriété sur l’usure de l’âge et la crise qui guette les hommes à 50 ans. Au final, un drôle d’hymne à la vie.

 

Quatre profs de lycée, copains comme cochons, dînent ensemble. L’un d’eux partage la théorie selon laquelle l’être humain naîtrait avec un déficit d’alcool dans le sang et serait bien plus heureux à 0,5g. Ça tombe bien : Martin (Mads Mikkelsen) aurait besoin de se sentir mieux. Plus confiant, plus généreux et moins chiant. Le matin même, il a demandé à sa femme si elle le trouvait barbant. « Par rapport à quand t’étais jeune, tu veux dire ? » C’est un oui. Il n’est plus à la hauteur de ses élèves, ni de son épouse ni de ses enfants. Et s’il retrouvait ce grain d’ivresse, la fougue de cette jeunesse qu’ils côtoient au quotidien ? Perdre le contrôle, le temps de l’expérience, c’est tout. Le cinéma de Vinterberg n’est pas toujours facile. Ici, il teste nos propres limites. Trouve-t-on ça drôle de voir des profs faire cours avinés ? Est-ce pathétique qu’ils conseillent à un élève de boire un coup avant l’oral ? Mais n’est-on pas un peu jaloux qu’ils se saisissent d’une liberté qu’on n’oserait fantasmer ? Pourtant, même s’il interroge la morale, c’est une autre question qu’il pose : laisser la vie dérailler mais à quel prix ? Endeuillé par la mort de sa fille pendant le tournage, Vinterberg reste discret sur les conséquences du drame sur son film. Mais lorsqu’il impose à son héros de toucher le fond pour mieux retrouver le goût de vivre, les thèmes sont trop sérieux, trop viscéraux pour ne pas avoir été modelés par la tragédie. Vinterberg tend à Martin le miroir douloureux d’une jeunesse enterrée ; il filme les adolescents avec autant d’amour que de déchirement. Cet âge-là, cette insouciance, a disparu. Dans DRUNK, on est soit heureux soit déjà morts. Il n’y a donc pas de demi-mesure pour ce réalisateur mis au pied du mur. Vinterberg interroge encore : se souvenir de ce qu’on a été, réaliser qu’on ne le sera plus jamais, c’est assassin ou salvateur ? Provocateur, il assène qu’un peu d’alcool nous rend meilleurs ; réaliste, il montre qu’il détruit tout. Jamais moralisateur, mais visant une certaine vérité, il compatit à la régression et à la nostalgie. Mads Mikkelsen, son alter ego, trouve ici un rôle à la mesure de son incroyable justesse. Qu’il joue l’alcool triste ou gai, qu’il chute ou exulte dans une scène surréaliste de ballet aviné, il est à nouveau cet acteur au jeu dégraissé de toute vanité – d’autant que la doctrine du Dogme est toujours un peu là. Il est, le temps du film, l’incarnation du type pathétique, médiocrisé par le quotidien, qui, soudain, va transcender sa gueule de bois. La volonté de vivre mise à l’œuvre dans DRUNK, celle qui depuis les coulisses a déteint sur l’écran, est ce qu’on a vu de plus déchirant depuis bien longtemps.

De Thomas Vinterberg. Avec Mads Mikkelsen, Thomas Bo Larsen, Lars Ranthe. Danemark. 1h55. Sortie le 14 octobre

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