ON THE ROCKS : chronique

20-10-2020 - 18:53 - Par

ON THE ROCKS : chronique

Retour de Sofia Coppola avec une comédie new-yorkaise plus profonde qu’elle en a l’air. Une face-à-face père fille étonnamment mélancolique porté par le beau duo Rashida Jones / Bill Murray.

 

Faussement léger, le nouveau film de Sofia Coppola distille un charme à la fois doux et amer. Quelque chose qui tiendrait de la miniature consciente, de la « petite forme » volontaire pour dire beaucoup sans en avoir l’air. Du cinéma de chambre à l’échelle d’une ville, à l’échelle d’une vie. Un cinéma de la secousse invisible, des petites fêlures du quotidien et de la façon de continuer quand même à tenir debout. La fragilité des gens heureux, en somme. C’est tout ce que capte avec une étrange allégresse, une douceur vive Sofia Coppola dans ce ON THE ROCKS. Pour pouvoir se concentrer sur l’état d’âme de son héroïne, questionner son bonheur et l’équilibre de son monde, la réalisatrice applique une des règles majeures de la comédie sophistiquée en filmant sans complexe une bourgeoisie new-yorkaise, quasiment hors sol. Dans ON THE ROCKS, on y fait des pique-niques au caviar, on s’offre des montres de luxe et on s’installe aux tables les plus chic de la ville. Julia (Rashida Jones) aurait tout pour être heureuse. Débarrassée des contingences du quotidien, Coppola glisse alors vers l’intime. Julia vit sous le poids des hommes de sa vie. Son mari (Marlon Wayans) qui semble s’échapper de plus en plus dans son travail. Et ce père (Bill Murray) fantasque et absent qu’elle appelle au secours dans un réflexe pavlovien. Comme un boomerang psychanalytique, le doute de Julia quant à la fidélité de son mari l’amène à régler ses comptes avec ce père tout puissant. À travers les péripéties de ce duo père-fille pour connaître la vérité sur cet époux possiblement infidèle, Sofia Coppola instaure quelque chose entre l’allégresse de l’enfance retrouvée et la mélancolie soudaine de la vie d’adulte. On pense à Wes Anderson d’abord – Bill Murray oblige – mais c’est surtout au J.D. Salinger de « L’Attrape-cœurs », à la Franny de son « Franny et Zooey » que ce ON THE ROCKS convoque comme un fantôme. Dans le regard de Rashida Jones, sa manière singulière de négocier la comédie, Sofia Coppola trouve une incarnation profondément moderne qui l’oblige à sortir des fantasmes et chromo de son cinéma. Elle filme alors Bill Murray comme un vieux monde, élégant, touchant mais déjà loin. La distance entre les deux personnages, entre les deux acteurs raconte quelque chose d’un temps qui change, d’une voix féminine qui s’éclaire et prend enfin son histoire en charge. Il y a quelque chose de cassé tout au long de ON THE ROCKS qui, petit à petit, se répare sous nos yeux. C’est la réapparition d’un personnage qui se défait de ses doutes et qui comprend, avec nous, que les histoires ne sont pas condamnées à se répéter.

De Sofia Coppola. Avec Rashida Jones, Bill Murray, Marlon Wayans. États-Unis. 1h35. Sur Apple TV+ le 23 octobre

4Etoiles

 

 

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