MISS : chronique

20-10-2020 - 18:50 - Par

MISS : chronique

Humaniste, drôle et très émouvant, MISS négocie tous les virages de la comédie la tête haute. Un vrai film populaire qui n’a pas peur d’être politique et inspirant.

 

Ce pourrait être un énième spécimen de ces comédies à pitch, vaguement malines, vaguement écrites. Ce pourrait être un film maladroit, mal assumé, antipathique et opportuniste sous des airs œcuméniques. C’est tout l’inverse. MISS transpire la générosité d’un cinéma qui aime raconter des histoires pour ce qu’elles nous disent de nous et du monde. Un film qui croit encore que le singulier est forcément universel. Il ne faut que quelques secondes à Ruben Alves pour asseoir son regard et nous rassurer. Lumineux et joyeux, son générique enfantin qui déroule les rêves de gosse d’une petite troupe d’enfants pose les bases. Qui a-t-on envie d’être ? À quoi ai-je le droit de rêver ? À qui puis-je m’identifier ? Dans les pas d’Alex – jeune homme androgyne qui rêve de devenir Miss France –, MISS affirme constamment avec humour et nuance la liberté de s’inventer de nouveaux modèles, d’être tout et son contraire, d’être soi sans s’expliquer, se justifier, se défendre. Jouant avec une élégance toute cinématographique sur l’art des contraires, le film bouscule le regard. Coaché à la fois par une prostituée travestie (étonnant et très émouvant Thibault de Montalembert) et un boxeur taciturne, Alex navigue entre le masculin et le féminin, le comique et le tragique, la douceur et la violence. Ne forçant jamais le trait, déjouant les clichés (des genres et du cinéma) et les caricatures (le traitement du concours Miss France, drôle, inventif et juste), Ruben Alves parvient à désarmer le cynisme et à faire de son « conte de fée » un récit à la fois optimiste et lucide. Un pas de côté délicat, jamais moqueur, qui s’inquiète, rit et s’émeut avec les personnages et non à leurs dépens. Il y a quelque chose de galvanisant, d’émouvant à voir ce cinéma queer déjouant les cases, les codes, les normes prendre à l’écran la forme d’un récit populaire. Et puis, il y a la révélation Alexandre Wetter. C’est peu dire que l’acteur impressionne. Il y a comme une alchimie entre lui et le regard toujours prévenant du réalisateur. Le trouble qu’il provoque n’est jamais érotisé, jamais instrumentalisé. C’est comme une force qu’Alexandre et Ruben transmettent aux spectateurs. Toujours juste, l’acteur traverse ce parcours de vie qui lui ressemble comme une épiphanie de cinéma. La beauté folle de cette interprétation est à l’image du film, une sorte d’équilibre du mouvement. Une façon d’être à la fois féminin et masculin, convaincu et inquiet, attachant et dur, inspiré et inspirant, sans que jamais l’un ne domine l’autre. Belle réussite, MISS est un idéal de cinéma grand public qu’on espère couronné de succès.

De Ruben Alves. Avec Alexandre Wetter, Pascale Arbillot, Isabelle Nanty. France. 1h50. Sortie le 21 octobre

4Etoiles

 

 

 

 

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