PENINSULA : chronique

20-10-2020 - 18:55 - Par

PENINSULA : chronique

Le sidequel de DERNIER TRAIN POUR BUSAN gagne en ambition ce qu’il perd en personnalité. Une déception.

 

Peut-être le cinéma coréen ne séduisait-il pas en masse les étrangers parce qu’il avait de fortes spécificités locales : un mélange des tons parfois déstabilisant, une langue que personne ne parle en dehors de la péninsule, un propos politique souvent indissociable de l’Histoire du pays (peu enseignée à l’étranger), d’un climat social spécifique, du confucianisme. Les ingrédients pourtant idéaux d’un cinéma vivant, surprenant. Parfois, un réalisateur parvient à transcender ces spécificités sans pour autant les trahir. Bong Joon Ho + PARASITE = plusieurs Oscars. D’autres films ont séduit large sans transiger sur leur personnalité : DERNIER TRAIN POUR BUSAN était l’un d’eux, aidé par le langage international du zombie flick, et une idée sans frontière de l’héroïsme. Son succès a forcément incité son instigateur, Yeon Sang-ho, à donner suite. Une fausse suite, en vérité : la revendication de la filiation est plus marketing que narrative. Dans PENINSULA, le commandant Jeong-seok exfiltre sa sœur, son mari et leur fils d’une Corée victime d’un terrible virus et envahie de morts-vivants. Malheureusement, sur le bateau, un accident éclate et Jeong-seok et son beau-frère finissent à Hong Kong, traités comme des clandestins pestiférés. Exploités par un malfrat, ils acceptent de retourner sur la péninsule infestée pour récupérer un butin caché dans un camion. La Corée du sud est un peu devenue l’Australie de MAD MAX. Schéma classique du film de zombie : l’ennemi n’est pas forcément celui qu’on croit. WALKING DEAD a fait cela pendant des années, perdant de vue sa raison d’être : les vivants sont pires que les morts-vivants. Par ailleurs, il existe aussi de gentils rescapés qui sauvent Jeong-seok d’une mauvaise posture ; ce dernier aura donc une dette envers eux. Cette suite ne se donne pas les moyens de ses ambitions. Tournée majoritairement en studio, elle contient des plans dont l’artificialité est absolument sublime. Puis, lorsqu’il faut mettre en scène une course poursuite en voiture, Yeon Sang-ho, probablement décomplexé par son énorme expérience dans l’animation, peinturlure son film de CGI comme dans une cinématique de jeu vidéo qui vous sort de toute réalité. Un enfer visuel innommable, qu’il aurait été avisé de remplacer par des scènes plus humbles, à la tension plus humaine. PENINSULA manque tant de chair, tant d’enjeux… Son héros, ployant sous le poids de la culpabilité, est inerte, errant dans un monde qu’on a déjà vu cent fois, sujet à des ressorts éculés qui standardisent le film. Ainsi mondialisé, exsangue de toute personnalité, ce dernier y perd tout charisme, toute force. Il n’y a plus d’émotion, il n’y a plus que l’envie de plaire à tout le monde, au risque de ne plus plaire à personne.

De Yeon Sang-ho. Avec Gang Dong-won, Kim Do-yoon, Lee Jung-hyun. Corée du sud. 1h54. Sortie le 21 octobre

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