SANS AUCUN REMORDS : chronique

30-04-2021 - 09:54 - Par

SANS AUCUN REMORDS : chronique

Sous ses oripeaux de techno-thriller mécanique, SANS AUCUN REMORDS revisite grâce à une mise en scène minutieuse l’action typique d’un cinéma commercial des 90’s.

 

Blockbuster d’action et lancement d’une future franchise « Rainbow Six » (tirée d’une saga vidéoludique), SANS AUCUN REMORDS est un techno-thriller au scénario très 90’s – après le sauvetage d’un otage, une équipe de militaires américains est décimée et seul un des membres en réchappe (joué par Michael B. Jordan). Carré, efficace… et pertinent. Comme tous les films paranos des 70’s n’évoquent pas directement le Watergate, SANS AUCUN REMORDS n’est pas à proprement parler sur l’Amérique de Trump. Mais quand on analysera le cinéma américain des années 2020, il sera sûrement un point d’entrée (grand public, commercial) pour en dessiner les contours. Avec son héros noir, le film n’orchestre pas seulement la prise de pouvoir de Michael B. Jordan sur une franchise tirée de l’univers très blanc de Tom Clancy, entérinant le changement de paradigme hollywoodien. John Clark étant le seul qu’on a forcé à voir sa famille agoniser, la vraie victime d’un pays profondément divisé qu’aucune politique ne parvient à ressouder, SANS AUCUN REMORDS s’inscrit dans le contemporain : dans une époque en guerre avec aucun ennemi extérieur et dans un pays qui retourne sa violence contre lui-même. Que devient le bellicisme américain quand il ne peut être assouvi ? SANS AUCUN REMORDS est traversé par l’absurdité de cette violence latente. Il la canalise à travers ses scènes d’action rigoureuses, millimétrées, implacables comme une routine surhumaine, monstrueuse. Ou la regarde dégénérer, ronger, à travers son protagoniste, machine à tuer, corps increvable, qui avance mutilé, tombe, meurt, survit, sans douleur, juste à l’instinct. Si LES 3 JOURS DU CONDOR racontait comment le mode de vie capitaliste nourrissait les complots de l’ombre, SANS AUCUN REMORDS déroule lui aussi sa propre conspiration, mais le cinéma américain d’aujourd’hui n’assume qu’un désenchantement mesuré. Ce John Clark triomphe malgré tout. Derrière le gros spectacle, se dessine le portrait de l’Amérique par le constat, pas par la critique. Là est tout l’intérêt d’avoir aux commandes un réalisateur européen, plein de recul sur les forces et les limites de la machine américaine. Le fond y gagne en perspective ; la forme aussi. Car Stefano Sollima pousse dans ses retranchements la brutalité du cinéma américain, transformant son blockbuster en bulldozer : noyés sous les nappes orageuses de musique de Jonsi, les dialogues sont sous-mixés, comme totalement secondaires ; empruntant clairement au jeu vidéo, le film donne une importance cruciale aux décors que son héros arpente (la maison, où il est attaqué en pleine nuit), apprivoise (une carlingue d’avion sous les eaux), transcende (des ruines de béton), jouant avec les possibilités infinies de prises de vue en studio, préférant les corps à corps à la pyrotechnie. Au service de ce thriller ténébreux en diable, Michael B. Jordan déploie une performance physique encore différente de CREED ou de BLACK PANTHER, adaptant ses aptitudes au réalisme de l’action qu’il a à incarner. Bluffant.

De Stefano Sollima. Avec Michael B. Jordan, Jodie Turner-Smith, Jamie Bell. États-Unis. 1h50. Sur Amazon Prime Vidéo

4Etoiles

 

 

 

 

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