Annecy 2021 / PETIT MOUTARD : chronique

20-06-2021 - 13:09 - Par

Annecy 2021 / PETIT MOUTARD : chronique

Provocant, irrévérencieux et plutôt rebutant de prime abord, PETIT MOUTARD est LA surprise de ce festival d’Annecy.

 

Au premier regard, PETIT MOUTARD de Marcus Rosenmüller et Santiago López Jover est tout simplement repoussant. Et ce dès l’ouverture où un bébé, aux traits grossiers, dans le ventre de sa mère, se voit expulsé violemment pour se retrouver face à un visage rougeaud et laid avant de se jeter goulûment sur le premier sein venu. Ça plante le décor. Et alors qu’il grandit, rien ne s’améliore pour Petit Moutard. Dans son village du fin fond de l’Autriche, au milieu des années 1960, les mentalités sont aussi moches que les habitants eux-mêmes : nazisme, bigoterie et xénophobie ayant pignon sur rue. Pas très en phase avec ces idées-là mais contraint de les subir, le jeune garçon aux hormones en ébullition s’échappe par le dessin jusqu’au jour où une famille tzigane s’installe dans le coin et qu’il rencontre la belle Mariolina. Boutons purulents, nez déformés dégoulinant de morve, rides aussi profondes que des crevasses, couperose suintante, mentons affaissés : rien ne nous est épargné visuellement. Et il faut bien un certain temps avant de passer outre cette animation réaliste mais exacerbée pour atteindre le cœur du film : l’histoire d’un petit bonhomme dont l’imaginaire va écraser la noirceur des âmes étriquées. Ne s’épargnant aucune farce, aucun extrême (on parle quand même d’une pluie d’excréments à un moment du film), aucune grossièreté, PETIT MOUTARD, s’il est parfois maladroit, est surtout un bijou de tendresse. Le triomphe de l’art sur l’ignorance, de l’impertinence sur le conservatisme le plus crasse. Et quand on comprend que le long métrage est inspiré de la vie du caricaturiste autrichien Manfred Deix, tout devient plus clair. Disparu en 2016 à 67 ans, il fut un fier soutien de Charlie Hebdo après les attentats de 2015 mais surtout un artiste révolté et reconnu pour ses dessins aux couleurs vives et aux tracés picaresques. PETIT MOUTARD s’inspire ainsi autant de son travail que de ses origines, lui qui, comme l’ado héros du film, a grandi en observant les clients de la taverne de ses parents au cœur d’un petit bourg perdu du sud de l’Autriche. S’il fallait encore prouver qu’il ne faut pas se fier aux apparences…

De Marcus H. Rosenmüller et Santiago Lopez Jover. Avec les voix de Markus Freistätter, Gerti Drassel. 1h26. Prochainement

4Etoiles

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.