BONES AND ALL : chronique

22-11-2022 - 17:58 - Par

BONES AND ALL : chronique

Si Taylor Russell confirme le bien qu’on pensait d’elle depuis WAVES, Timothée Chalamet crame carrément l’écran. Un film qui laisse à bout de souffle.

 

C’est un peu de LA BALADE SAUVAGE qu’on distingue dans le road movie romantique qu’est en partie BONES AND ALL. Mais c’est surtout quelque chose de plus Stephen-King-esque qui imprègne la pellicule, quand ces créatures assoiffées de la vie des autres, aussi virginales que d’autres semblent ancestrales, foulent cette Amérique rurale à la recherche de corps à l’agonie. On a beaucoup pensé à DOCTOR SLEEP et au Nœud Vrai devant cette caste d’humains prédateurs, cannibales certes, mais dotés de la sensualité qu’on réserve généralement aux vampires. À défaut de remaker à nouveau un classique du cinéma d’épouvante (SUSPIRIA de Dario Argento) et de s’attirer la colère des puristes, l’Italien Luca Guadagnino préfère sertir son nouveau film d’horreur d’un Americana pur jus, de décors sinistres et de rednecks imprévisibles. Comme si ses deux héros Maren (Taylor Russell) et Lee (Timothée Chalamet), jeunes fugitifs perdus, sales et désespérés, étaient encore trop bien pour cette campagne de culs-terreux, le réalisateur affiche un dégoût assumé pour tout ce qui n’est pas eux. Sully (Mark Rylance), qui apprend à Maren à travailler sa patience, son flair, l’art de la dissimulation, est un mentor affreux et toxique. Deux types (David Gordon Green et Michael Stuhlbarg) que Maren et Lee rencontrent sur la route du Missouri sont de telles caricatures de pouilleux que Guadagnino ne peut plus cacher son aversion pour l’Amérique qu’il dépeint. Ce dégoût affiché peut servir à renforcer le grotesque de certaines scènes (notamment dans un hôpital psychiatrique) pour peu qu’on y adhère. Mais lorsque ça va trop loin, lorsque ça frôle le Grand-Guignol, on décroche et on se languit de retrouver l’étrange tendresse d’une passion adolescente. Guadagnino parvient toujours à réenchanter son film grâce à l’amour, inconditionnel celui-là, qu’il voue à ses deux héros, couple de tueurs sensibles et à fleur de peau. Si la délicatesse et la subtilité de Taylor Russell remportent rapidement notre adhésion, on est surpris d’être encore et toujours emporté par Timothée Chalamet. Dès qu’il apparaît, l’image devient magnétique. Quelque chose d’irrationnel, entre l’attraction et la répulsion (merci les zooms fiévreux), de profondément sexuel, se dégage de son personnage et en fait, de facto, une sorte de néo-Lestat irrésistible. Animal, désinvolte et résolument héroïque, Lee rappelle les figures romantiques du cinéma des années 90 quand Eros et Thanatos frappaient le charisme d’un seul et même acteur qui imprégnait durablement l’écran. Impossible d’oublier certaines images de BONES AND ALL, qui vous collent à la peau.

De Luca Guadagnino. Avec Timothée Chalamet, Taylor Russell, Mark Rylance. États-Unis. 2h10. En salles le 23 novembre

4Etoiles

 

 

 

 

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