MOURIR PEUT ATTENDRE : chronique

06-10-2021 - 07:52 - Par

MOURIR PEUT ATTENDRE : chronique

Le James Bond de Daniel Craig restera évidemment dans l’Histoire comme l’un des plus marquants. Mais pas pour cet ultime film de son mandat.

 

« La vie ne vaut que si on lègue quelque chose », assure le grand méchant de MOURIR PEUT ATTENDRE. Daniel Craig peut dormir tranquille : son mandat de quinze ans en James Bond 007 laissera indéniablement une empreinte dans la saga et, plus largement, dans celle du cinéma, pour avoir offert à la franchise deux de ses plus éclatantes réussites artistiques (CASINO ROYALE et SKYFALL) et son plus gros succès commercial (SKYFALL). Mais aussi parce que, sous son règne, les producteurs, scénaristes et réalisateurs de la franchise ont tenté et parfois réussi brillamment, comme dans les deux films susmentionnés à réinventer un héros de cinéma vieux d’un demi-siècle, à l’humaniser, à faire résonner ses états d’âme avec ceux de son public. Jusqu’à le moderniser, la rugosité du Bond de Craig collant parfaitement à un monde où les blocs ont explosé et où les questions morales ont parfois été totalement décorrélées des notions patriotiques ou d’anciens paradigmes historiques. Malheureusement, la franchise en elle-même, dans son écriture, peine parfois à enregistrer cette évolution, à l’incarner pleinement et, à l’image de ce MOURIR PEUT ATTENDRE, semble avancer à contre-courant de ses velléités de renouvellement. Ainsi, le dernier opus de Craig, s’il essaie de remodeler le rapport de la saga à ses figures féminines – avec les ajouts de Lashana Lynch et Ana de Armas, toutes deux excellentes dans deux registres différents mais toutes deux sous-exploitées –, tombe très rapidement dans de vieux modèles épuisés. Pieds et poings liés à une notion de sérialisation du récit – là encore une nouveauté de l’ère Craig, plutôt intrigante mais inaboutie, voire confuse – MOURIR PEUT ATTENDRE tente de raccrocher tous les wagons : le fantôme de Vesper qui hante Bond, Spectre et Blofeld, la relation trouble avec Madeleine, etc. Sauf que le procédé, qui cherche à mener tous les fils narratifs à leur aboutissement se révèle artificiel, fonctionnant presque à reculons : on insiste tout d’abord sur Spectre tout en balayant un peu facilement l’organisation à mi récit ; on introduit un nouveau méchant vengeur (Rami Malek, en roue libre) dont les intentions tardent à être révélées et dont les motivations resteront un grand mystère. Si bien que, dans cette conclusion qui s’étire (2h43 !), rien ne semble vraiment pensé ou inscrit dans le cadre d’une dramaturgie solide et sincère. Tout ne semble exister que pour mener aux moments de bravoure du dernier acte qui, a défaut d’avoir été construit, se révèle donc prévisible et son impact sur le spectateur limité. Restent quelques bons moments – le prégénérique et sa scène d’action d’une redoutable efficacité –, le plaisir de revoir certains personnages (Q ou Felix Leiter) et un indéniable savoir-faire du réalisateur Cary Fukunaga et de son chef opérateur Linus Sandgren. Mais ce qui devait être le feu d’artifice final de Daniel Craig, sa sortie en apothéose, n’a finalement ni l’âpreté de CASINO ROYALE ni l’opératisme mélancolique de SKYFALL.

De Cary Fukunaga. Avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Rami Malek, Lashana Lynch, Ana de Armas… Royaume-Uni. 2h43. En salles le 6 octobre

2Etoiles

 

 

 

 

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