LICORICE PIZZA : chronique

04-01-2022 - 16:46 - Par

LICORICE PIZZA : chronique

Très loin de la rigueur guindée de PHANTOM THREAD, Paul Thomas Anderson célèbre avec douceur et entrain le bordel du sentiment amoureux.

 

Depuis THERE WILL BE BLOOD, son grand geste fou, Paul Thomas Anderson semblait s’être replié sur lui- même, entre tour de force technique glacé (THE MASTER), loufoquerie sibylline (INHERENT VICE) et affèterie assommante (PHANTOM THREAD). Progression logique de ses désirs et ambitions ? Réaction aux critiques qui l’avaient parfois réduit à un sous-Scorsese sentimental accro aux fresques opératiques ? Quoi qu’il en soit, Paul Thomas Anderson tel qu’il s’était révélé au tournant du XXIe siècle n’existait plus vraiment. Jusqu’à LICORICE PIZZA, qui ne met pas plus de trente secondes pour ressusciter le PTA lyrico-romantique, amateur de mouvements amples par lesquels ses personnages se révèlent dans toute leur effusion romanesque. Sans exposition, il suit un gamin de quinze ans qui, pendant plusieurs minutes, tente d’inviter à dîner une jeune femme plus âgée que lui. Les répliques cinglantes ou charmeuses fusent, les plans s’étirent et la caméra capture les deux héros avec une admiration telle que les débutants Cooper Hoffman (fils de Philip Seymour) et Alana Haim (du groupe de pop Haim) revêtent des atours de stars, comme s’ils habitaient nos souvenirs de cinéphiles depuis toujours. De là, LICORICE PIZZA déroule leurs parcours, parallèles ou mêlés, leur histoire d’amour contrariée, platonique ou plus charnelle, faite de déceptions, de possessivité mal placée. En ce début d’années 70, au cœur de la San Fernando Valley, Gary et Alana ne savent pas comment s’aimer. Ils ne savent même plus s’ils s’aiment ou s’ils aiment l’idée de s’aimer. L’intelligence du récit tient à ce qu’il s’adapte à cette romance chaotique en prenant une forme épisodique, où l’on saute d’anecdote en saynète. Quitte parfois à déraper, en dilatant artificiellement la place de personnages secondaires qui ne méritaient pas tant (Sean Penn en décalque de William Holden, Benny Safdie en politicien californien) et qui atténuent le souffle romanesque. Sans véritable ligne dramaturgique visible, LICORICE PIZZA danse sur le fil ténu de la chronique avec pour seul ciment des idées génialement saugrenues (un restaurateur qui parle anglais avec un accent japonais intermittent), un talent indéniable pour les dialogues, des moments de magie (une course effrénée sur un green de golf, parachevée par une chanson des Wings), de folie (Bradley Cooper en Jon Peters, producteur fantasque) et le charme de ses deux interprètes principaux. Un numéro d’équilibriste qui trouve pourtant sa stabilité dans cette fragilité car, comme ses jeunes héros, PTA brille décidément toujours plus dans le lâcher-prise grandiose que dans la maîtrise maladive. 

De Paul Thomas Anderson. Avec Cooper Hoffman, Alana Haim, Bradley Cooper. États-Unis. 2h13. En salles le 5 janvier

4Etoiles

 

 

 

 

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