DÉDALES : chronique

19-07-2022 - 13:58 - Par

DÉDALES : chronique

Bogdan George Apetri n’est peut-être pas le plus connu des réalisateurs roumains, mais avec son thriller social, il rebat les cartes du cinéma local contemporain.

 

Cristina part du couvent, non sans avoir essayé de passer un dernier appel, en vain. Elle grimpe dans un taxi, discrètement. En route vers la ville, il faudra qu’elle troque sa robe de sœur pour des habits civils avant d’arriver à l’hôpital où elle a rendez-vous pour avorter. Les ellipses, savamment pensées par Bodgan George Apetri, font plein de trous dans le récit, mais rien ne nous sera épargné des raisons pour lesquelles Marius, inspecteur de police, va enquêter sur le trajet retour de Cristina. Au fil de l’histoire, les blancs se comblent, tout s’explique. Le réalisateur roumain utilise de main de maître le curseur de ce qu’il faut dévoiler. Que le spectateur puisse voir ou qu’il soit empêché de regarder, c’est toujours avec pudeur et pour le bien du mystère. Le film opère un jeu du chat et de la souris avec le spectateur qui suit, avec stupeur, intérêt et parfois effroi, le récit de Marius et Cristina. Manipulateur ? Pas si on accepte les codes parfois pervers du thriller. Scénaristiquement, c’est presque inattaquable. On connaît le cinéma roumain : depuis quelques années, Cristian Mungiu, Cristi Puiu, Corneliu Porumboiu ou Radu Muntean en sont les ambassadeurs auprès des festivals du monde entier, racontant, montrant, représentant les pires années Ceaucescu ou l’émancipation lente et les empêchements du pays après son exécution. Ils évoquent la condition de la société, la xénophobie, la place des femmes. Bogdan George Apetri, moins connu que ses camarades, cadet de cette génération Nouvelle Vague, n’en fait jamais un sujet. DÉDALES est un film policier, commercial, populaire, dans le contexte d’une Roumanie quotidienne, devenue un pays (de l’Est) comme un autre, avec des problèmes contemporains, sociétaux et au-delà. Pour le bien du cinéma de genre, Apetri se préserve de trop de spécificités roumaines – seules des chansons de variété locales nous rappellent constamment à l’endroit –, se concentrant sur son intrigue, ses personnages, les émotions. Il évoque la déliquescence politique de son pays, certes, mais préfère consacrer le film à dépeindre les diverses conséquences du virilisme dévorant, sujet universel. Le plan-séquence, voilà un attribut du cinéma roumain. Mais loin d’être un gimmick, il est ici justifié par la distension du temps voulue par Apetri pour renforcer le suspense, le mystère et la tension. Ce qui sépare Cristina de son but semble toujours loin, gêné par la lenteur du temps, bloqué par les logorrhées verbales des autres. Chaque plan-séquence témoigne d’un sens du storytelling assuré et de performances admirables. Le nom de Bogdan George Apetri est su et retenu. 

De Bogdan George Apetri. Avec Ioana Bugarin, Emanuel Parvu, Cezar Antal. Roumanie. 1h58. En salles le 20 juillet

4Etoiles

 

 

 

 

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