SPIDER-MAN : ACROSS THE SPIDER-VERSE / Chronique

31-05-2023 - 17:58 - Par

SPIDER-MAN : ACROSS THE SPIDER-VERSE / Chronique

En prenant la suite de Peter Ramsey, Bob Persichetti et Rodney Rothman, le trio de réalisateurs Kemp Powers, Justin K. Thompson et Joaquim Dos Santos avait fort à faire. Mission accomplie.

 

« À grands pouvoirs, grandes responsabilités. » Spider-Man a toujours été soumis à ce déterminisme super-héroïque. Mais quelles responsabilités ? Voilà la question, essentielle, que pose ACROSS THE SPIDER-VERSE. Seize mois après les événements d’INTO THE SPIDER-VERSE, Miles Morales retrouve Gwen ; elle lui raconte faire partie d’une élite de Spider-Personnes qui défendent le multivers… En plongeant dans ce néo-terrier du lapin, le héros de Brooklyn va en apprendre plus sur lui-même et devoir affirmer le héros qu’il est. Les responsabilités qu’il veut s’imposer. Sa singulière manière d’être Spider-Man. Toute l’intelligence de cette suite réside dans ce cœur dramaturgique, qui confronte Miles à toutes sortes de déterminisme – celui qui incombe à sa nature de héros, donc, mais aussi à des déterminismes d’ordre social, existentielle ou métaphysique. Le scénario ne se détourne d’aucune difficulté, d’aucune thématique en corrélation avec ce cœur. Alors que le premier acte propulse le spectateur dans un autre monde et étend massivement l’univers développé dans INTO THE SPIDER-VERSE, le script prend ensuite tout de même le temps de poser ses nouveaux enjeux et questionnements – le retour chez Miles, par exemple, s’attarde autant sur son quotidien de héros que sur ses problématiques personnelles. ACROSS THE SPIDER-VERSE s’épanouit ainsi sur des bases narratives solides, qui lui permettent d’imposer sa singularité. En un élan méta remarquable de malice qui commente et déconstruit avec férocité l’idée de canon mythologique (ce nouvel académisme pop), Miles et le film-même suivent un chemin similaire : ils contestent les règles et repoussent toutes les limites pour affirmer leur credo et leurs choix. L’abondance de dimensions visitées, chacune avec son esthétique visuelle et musicale, accroit exponentiellement le degré d’hybridation auquel s’adonne le film, sans pourtant qu’il ne perde sa cohérence. Il manie avec le même enthousiasme pop et le même brio le noir et blanc, le sepia, les aquarelles, les décors luxuriants des comics indiens Indrajal, le stop motion ou les collages punk – parfois dans le même cadre ! Un festin visuel dont l’une des fondations essentielles n’est autre que la partition protéiforme de Daniel Pemberton, plus dense encore que celle d’INTO THE SPIDER-VERSE, où se croisent et se répondent avec virtuosité nouveaux thèmes et anciens réimaginés. Hyperactif mais toujours lisible, débordant d’intentions, d’idées et de nouveaux personnages (avec les révélations Pavitr et Hobie), parfois totalement expérimental dans son expressionnisme et son psychédélisme, ACROSS THE SPIDER-VERSE s’affranchit de tout déterminisme – de l’animation, du film de super-héros et même des récits de multivers. D’une ampleur folle, il affirme ses choix et ne croit qu’à l’absence de limites et, miraculeusement, ne dévisse jamais. Un spectacle total comme un prodige de cinéma.

De Kemp Powers, Justin K. Thompson et Joaquim Dos Santos. Avec les voix originales de Shameik Moore, Hailee Steinfeld, Oscar Isaac, Daniel Kaluuya… États-Unis. 2h20. En salles le 31 mai

Note : 5

 

 

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