MASTER GARDENER : chronique

05-07-2023 - 08:37 - Par

MASTER GARDENER : chronique

Ce MASTER GARDENER clôt la trilogie officieuse « Man In A Room » d’une somptueuse manière.

 

Narvel Roth (Joel Edgerton) est le maître jardinier de Mme Haverhill (Sigourney Weaver), une riche propriétaire d’un domaine de style colonial. Elle souhaite donner une chance à sa nièce Maya (Quintessa Swindell), métisse, d’apprendre le métier auprès de son employé – accessoirement son amant. Narvel fait de Maya sa stagiaire, les deux tombent amoureux en dépit de leur différence d’âge et… du lourd passé de l’horticulteur. Ambiance pour le moins pesante et pourtant étrangement posée, comme si les paradoxes des personnages étaient si profondément intériorisés qu’il leur serait impossible de les exprimer. C’est un plaisir, devant les films de Paul Schrader, d’essayer de lire sur les visages l’amour, le respect ou encore le dégoût de soi qu’éprouvent les hommes et les femmes de son petit théâtre philosophique. Avec cette nappe de musique qui n’est pas sans rappeler les sons d’Angelo Badalamenti, cette lenteur qui finira par coincer et gangréner, MASTER GARDENER pompe l’attention du spectateur, l’attire dans ses filets, l’hypnotise. Provocant, complexe et nuancé, hanté et véritablement curieux des contradictions humaines – notamment américaines –, il offre la possibilité d’un salut à ce personnage d’homme doux, dont le corps porte les marques d’une histoire plus sombre. C’est le troisième geste miséricordieux du storyteller envers ses personnages, après le choix accordé au prêtre de FIRST REFORMED et la vengeance proposée au joueur de poker de THE CARD COUNTER. En tendant la main à ces hommes, il leur permet, au sein même de la fiction, de tendre la main à leur tour. Que son héros veuille sauver des limbes une figure juvénile – et réciproquement –, ce n’est pas nouveau chez Schrader ; il suffit de revoir TAXI DRIVER pour en situer l’origine. Mais ce double mouvement vers l’autre est à chaque fois plus pur, plus sincère. En fermant la trilogie « Man in a room », MASTER GARDENER est forcément un peu le remake de ses prédécesseurs. Et surtout de THE CARD COUNTER – le même décrochage onirique à mi-parcours (la séquence du parc des lumières dans l’un, une scène de trip botanique dans celui-ci), le même regard féroce sur la culture de la haine, les mêmes abominables souvenirs. Mais la fin sentimentale de MASTER GARDENER entérine l’indécrottable optimisme de Schrader. Derrière toute cette pudeur, derrière le mystère émotionnel qui se dégage de la stase, il y a tout l’humanisme d’un réalisateur dont le cœur bat valeureusement. Comme les maîtres qui l’ont toujours inspiré, de Ozu à Dryer, il a troqué les explications pour la plus pure forme d’expression. Et c’est sublime.

De Paul Schrader. Avec Joel Edgerton, Sigourney Weaver… États-Unis. 1h50. En salles le 5 juillet

Note : 5

 

 

 

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