PROXIMA : chronique

27-11-2019 - 11:01 - Par

PROXIMA : chronique

Documenté, précis et puissamment féministe, PROXIMA filme la conquête de l’espace à travers le parcours d’une astronaute prête à décoller.

 

C’est un film sur l’espace qui reste les pieds au sol. Ce pourrait être dommage, c’est au contraire une idée fabuleuse. Devant l’embouteillage récent et à venir de films dans l’espace (FIRST MAN, AD ASTRA, LUCY IN THE SKY…), Alice Winocour décide de parler d’ici. De filmer la conquête de l’espace, le désir d’infini, à travers le quotidien le plus prosaïque de cette préparation à quitter la Terre. Dans les pas de Sarah, scientifique qui doit partir pour une mission de plus d’un an dans l’espace, la réalisatrice saisit minutieusement tous les détails de cette préparation. Les entraînements bien sûr, l’habillement, le conditionnement, les différentes langues qui se côtoient… Ce qui ne pourrait être qu’un film pédagogique, un peu désincarné, prend une ampleur bouleversante par le regard incisif de Winocour sur ce monde d’hommes face à une femme. En regardant cet univers très technique à travers les yeux de Sarah, elle saisit tout le paternalisme, la commisération pénible qu’inflige un petit monde masculin à ces femmes qui « osent » se mettre à son égal. Sans caricature, avec un sens du détail et de la formule saisissante, la réalisatrice montre combien Sarah doit s’imposer, prouver qu’elle mérite sa place, comme une sorte de challenge personnel, d’exigence accrue face à tous ces hommes. Winocour a l’intelligence de doubler ce parcours physique et mental (avec des scènes d’entraînement stupéfiantes) d’un parcours intime qui dessine les contours de la « charge mentale » imposée aux mères. Sans cesse, Sarah est ramenée par les autres, les siens, la société, à son rôle maternel. Winocour décrit comme une échappée impossible, douloureuse, un combat que Sarah mène contre ce rôle auquel on l’assigne. Le visage dur et doux, Eva Green incarne ce personnage puissant avec une précision et une émotion qu’on ne lui connaissait pas. En la rendant concrète, humaine, forte et fragile à la fois, la réalisatrice la sublime. Ne cédant jamais au « portrait édifiant » et à ce pénible cliché de la « femme forte », Alice Winocour et Eva Green font de PROXIMA un film profondément féministe. C’est-à-dire un basculement de regard, une façon de questionner les modèles d’une société et le poids des conventions. Jamais sentencieux, le film nous fait ressentir l’expérience d’un adieu au monde autant qu’il nous interroge sur notre façon d’y vivre et de cohabiter. À la fois prosaïque et métaphorique (le film peut aussi se lire comme un apprentissage du deuil), éprouvant et doux, romanesque et sec, PROXIMA n’a pas besoin d’aller dans les étoiles pour toucher les sommets.

D’Alice Winocour. Avec Eva Green, Matt Dillon, Sandra Hüller. France. 1h47. Sortie le 27 novembre

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