JE VEUX JUSTE EN FINIR : chronique

04-09-2020 - 09:58 - Par

JE VEUX JUSTE EN FINIR : chronique

Armé d’idées brillantes, Charlie Kaufman s’affirme à la fois comme excellent metteur en scène et comme grand saboteur de ses propres efforts.

 

Voilà vingt ans, Charlie Kaufman s’imposait avec une poignée de scénarios (DANS LA PEAU DE JOHN MALKOVICH, ADAPTATION, HUMAN NATURE, ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND) comme l’un des chroniqueurs essentiels des états d’âme modernes, des névroses qui rongent, de la mélancolie qui isole. Des scripts subtils bien que maladivement introvertis, auxquels Spike Jonze et Michel Gondry insufflaient une grande humanité, qu’elle soit mordante ou gracile. Désormais seul metteur en scène de son univers dépressif, Kaufman peine à rendre son cinéma aussi généreux et accessible – même si le malaisant ANOMALISA n’avait rien de l’imperméabilité de SYNECDOCHE NEW YORK. Pour son troisième long, JE VEUX JUSTE EN FINIR, il adapte le matériau d’un autre : le roman « Je sens grandir ma peur » de Iain Reid qui, a priori, avait tout pour donner du bon Kaufman. La première heure le laisse croire. Une jeune femme (Jessie Buckley, toujours aussi incroyable de maîtrise) se rend chez ses beaux-parents avec son nouveau petit-ami (Jesse Plemons, définitivement l’un des meilleurs acteurs de sa génération). Mais la jeune femme pense à rompre. Son voyage va basculer dans l’étrange et l’oppressant… Avec son cadre resserré en 1.33, lui-même petit théâtre d’enserrements dans d’autres cadres, JE VEUX JUSTE EN FINIR accable immédiatement ses personnages et ses spectateurs pour les mener au malaise. Interprétations froides ou décalées, références érudites, mouvements de caméra soulignés, effets de montage et erreurs volontaires de continuité visuelle et narrative (!!) : la mise en scène, brillante, multiplie les impossibilités. Quelque chose cloche. JE VEUX JUSTE EN FINIR tient pendant une heure cette ambiance retorse de fascinante confusion et installe patiemment son récit, ses émotions et l’aboutissement de cette bizarrerie. Malheureusement, Kaufman ne maintient pas l’équilibre et son récit divague, digresse. La peur et l’inconfort laissent place à un désintérêt croissant car le réalisateur se montre incapable de partager avec son public la moindre clé de compréhension – ou de ressenti. Lorsque survient une révélation d’importance pour saisir le climax – censément bouleversant, portrait d’une solitude déchirante –, elle passera probablement inaperçue à quiconque n’a pas lu le roman, car noyée dans ce flot ininterrompu, finalement mal géré, d’images et de dialogues bizarres et nonsensiques. L’héroïne assure écrire pour atteindre « un sentiment d’universalité » : peut- être est-ce le vœu également de Kaufman mais, en adaptant Reid, il échoue à se l’approprier sans aliéner le spectateur.

De Charlie Kaufman. Avec Jessie Buckley, Jesse Plemons, Toni Collette. États-Unis. 2h14. Sur Netflix

2Etoiles

 

 

 

 

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