Toronto 2013 : THE DOUBLE / Critique

11-09-2013 - 09:54 - Par

De Richard Ayoade. Avec Jesse Eisenberg, Mia Wasikowska. Special Presentations.

Simon James (Jesse Eisenberg), employé d’une grande corporation, mène une vie des plus spartiates dans son petit appartement et va de son travail à l’hôpital où sa mère est internée. Pour ensoleiller son quotidien, il n’y a bien qu’Hannah (Mia Wasikowska), dont il est secrètement amoureux. Un matin, sa vie est bouleversée : au bureau, on lui présente son double parfait, James Simon, dont la personnalité extravertie et assurée est à l’opposé de la sienne. Personne ne semble voir la ressemblance… Bientôt, son sosie va rendre la vie de Simon impossible. Après SUBMARINE, chronique adolescente chic, mélancolique et enlevée, Richard Ayoade nous revient avec sa deuxième réalisation, THE DOUBLE, adaptée lointainement de la nouvelle « Le Double » de Dostoïevski. Un second opus dont le but premier pourrait bien être de prouver qu’Ayoade est homme de multiples talents, tant il ne partage quasiment rien avec SUBMARINE. Ici, le cinéaste britannique met en scène un monde rétro futuriste et surréaliste pouvant rappeler autant Boris Vian pour l’absurdité – on pense d’ailleurs à l’adaptation de « L’Écume des Jours » par Gondry – que Franz Kafka pour la nature franchement cauchemardesque de l’histoire ou même Terry Gilliam et Aki Kaurismäki. Une liste de référents tout ce qu’il y a de plus louable, donc. Cet univers, Ayoade le construit avec soin, notamment visuellement, via une direction artistique d’une cohérence indéniable et une esthétique somptueuse lorgnant vers un baroque assumé – on pense à tous ces plans où la fumée envahit le cadre, mise en valeur par de savants jeux de lumière. De là découle un humour pince sans rire typiquement anglais et un regard au final assez contemporain sur le monde du travail où l’esprit de compétition se heurte à l’affirmation de l’individu, où le système productiviste écrase toute expression personnelle et entérine l’avantage du plus fort sur le plus faible, du pragmatique sur le créatif, de l’extraverti sur l’introverti. Tout ceci a beau être extrêmement maîtrisé – d’autant que Jesse Eisenberg livre une performance extraordinaire – THE DOUBLE ne parvient tout de même pas à convaincre. Car si le cerveau fonctionne à plein, le cœur semble lui totalement mis de côté, comme si THE DOUBLE agissait lui aussi comme un Big Brother productiviste : sus aux émotions, place à l’intellect. On ne retrouve ainsi donc pas la sincérité emballante de SUBMARINE qui, tout en réfléchissant au passage à l’âge adulte, tissait un lien très fort avec son public. THE DOUBLE, bien trop froid, trop hystérique et trop sûr de sa malice, aliène et repousse. Les dernières séquences, tirant vers la tragédie et donnant enfin une chance à Simon de s’affirmer, tentent de rectifier le tir. Mais il est bien trop tard pour que la carapace glacée de ce film refermé sur lui-même se brise totalement.

De Richard Ayoade. Avec Jesse Eisenberg, Mia Wasikowska, Noah Taylor. Grande-Bretagne. 1h30. Prochainement.

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