WHITE BIRD : chronique

15-10-2014 - 08:49 - Par

Araki dissout Eros et Thanatos sous les volutes des néons du soap 80’s dans vrai/faux mélo à la Douglas Sirk.

Avec GONE GIRL et maintenant WHITE BIRD, ce mois-ci les femmes disparaissent sur grand écran. Véritable genre en soi, marqué par des œuvres aussi fortes que LAURA d’Otto Preminger ou le VERTIGO d’Hitchcock, les « films de disparition » sont des films « de l’après ». C’est-à-dire qu’ils s’intéressent moins à l’acte de disparaître qu’à la secousse sismique imperceptible et pourtant profonde que va déclencher cette absence. Comme l’inexplicable s’invite dans le quotidien, les choses se dérèglent, petit à petit, jusqu’au bouleversement total. Pas étonnant alors que le roi du désordre cinématographique Gregg Araki, fasciné depuis ses premières œuvres par le chaos, se soit emparé de ce genre par le roman éponyme de Laura Kasischke. La romancière américaine (déjà adaptée à l’occasion de SUSPICIOUS RIVER et LA VIE DEVANT SES YEUX) possède une écriture singulière, un ton à la fois extrêmement quotidien, simple, et en même temps nourri d’angoisses et de visions cauchemardesques. Cet état d’étrangeté permanent, cette indécision constante des sentiments et des choses, Gregg Araki en réussit une transposition quasi parfaite qui donne à ce WHITE BIRD une grâce mystérieuse. S’il délaisse pour un temps les provocations pop de ses précédents films, il trouve dans le parcours de Kat, adolescente renfermée qui s’ouvre à la sexualité et au désir après la disparition inexplicable de sa mère, un écrin parfait pour rejouer sous la forme d’un mélodrame toutes ses obsessions. Hanté par les fantômes du cinéma de Douglas Sirk ou de Fassbinder, WHITE BIRD se réfugie sous les néons des 80’s pour raconter un état transitoire. Face à ce couple de parents tout droit issu des années 50 (Eva Green, plus « hollywoodienne » que jamais, Christopher Meloni en sosie de Rock Hudson), Shailene Woodley semble courir après le futur pour s’échapper de l’ennui vorace. Sous le regard d’Araki, elle se révèle surtout une actrice d’une rare sensualité, à l’opposé de ses précédents rôles de midinettes. À chaque instant, le réalisateur semble vouloir figer ce monde indécis dans des vignettes vaporeuses quasi intemporelles. Reprenant à Kasischke sa structure de vrai/faux thriller mélodramatique, WHITE BIRD devient entre les mains expertes du réalisateur de MYSTERIOUS SKIN un soap opera sensuel et ouaté qui teinte toutes ses outrances scénaristiques et visuelles d’une étonnante mélancolie. Film sur l’avenir et les regrets, WHITE BIRD pourra décevoir ceux qui n’attendent d’Araki qu’un cinéma en colère. Dommage, la douceur et l’élégance de ce classicisme réinventé lui vont étrangement bien.

De Gregg Araki. Avec Shailene Woodley, Eva Green, Christopher Meloni. États-Unis. 1h30. Sortie le 15 octobre

 

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