LA LÉGENDE DE MANOLO : chronique

22-10-2014 - 09:45 - Par

Même s’il est original et très chaleureux, LA LÉGENDE DE MANOLO parlera davantage aux très jeunes qu’à leurs aînés.

LA LÉGENDE DE MANOLO est un paradoxe. Pâtissant d’un scénario assez simpliste, à base de péripéties rebattues dans divers contes ou livres pour enfants, il s’adresse à des spectateurs très jeunes en leur expliquant de manière didactique qu’ils peuvent être qui ils veulent et que, quoi qu’ils deviennent plus tard, leurs parents seront toujours fiers d’eux. Mais pour délivrer le message, le film opte pour un contexte et une mythologie diablement plus adultes. Soit la Fête des Morts, cette célébration mexicaine qui se consacre au souvenir des défunts, divisant ces derniers entre ceux qui ont été oubliés et gisent dans un univers morbide et ceux qui vivent encore dans la mémoire de leurs proches, refugiés dans un au-delà festif. Manolo a perdu sa mère et mène une existence contrariée de torero –une carrière dont sa maman rêvait pour lui. Son copain Joaquin veut honorer la mort de son héros de père en devenant un justicier protecteur du village. Entre les deux, se tient Maria, leur amie dont ils sont amoureux. Le premier lui chante des sérénades, le second l’épate à la pointe de l’épée. Qui finira par la conquérir ? La Muerte –créature divine régnant sur le royaume des morts célébrés– et Xibalba –vilain sorcier régissant le royaume des morts oubliés– font un pari. Il faut souligner l’originalité du folklore dans lequel baigne LA LÉGENDE DE MANOLO. Jorge R. Gutierrez a créé un monde coloré, réjouissant, et nous invite à découvrir une culture chaleureuse et vivante, en suivant des petits personnages au design farfelu (inspiré par Picasso et Frida Kahlo), allant de pair avec l’ésotérisme bienveillant qui sous-tend le film. En revanche, l’audace dont a fait preuve le réalisateur mexicain en parlant de la mort, de pactes diaboliques ou encore de la ferveur sud-américaine disparaît subitement dès lors qu’il confronte ses personnages à leur propre destin. Histoire mineure de rivalité amoureuse, LA LÉGENDE DE MANOLO n’ose jamais explorer les terrains du deuil et effleure à peine le territoire (potentiellement riche narrativement) des attentes parentales face à des progénitures qui les déçoivent. Ce ne sont que des thèmes qui flottent au-dessus d’un scénario facile, fait de suspense aussitôt installé, aussitôt désamorcé. On attendait plus d’une animation chaperonnée par Guillermo del Toro, producteur entre autres d’un CINQ LÉGENDES baigné dans la notion de mortalité et de cauchemar éveillé. Mais on imagine que chaque film a son public. On ne se sent concerné par LA LÉGENDE DE MANOLO que grâce à son cachet graphique et son désir forcené d’imposer sa culture dans une industrie de l’animation qui ne prend que rarement des risques.

De Jorge R. Gutierrez. Avec les voix de Diego Luna, Zoe Saldana, Channing Tatum. États-Unis. 1h35. Sortie le 22 octobre

 


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