Ni provoc, ni trash, LOVE est une puissante expérience de mélancolie ultime. Un beau film bien plus badant que bandant.
Comme tous les films de Gaspar Noé, LOVE est un (bad) trip. Mais ici, le voyage proposé n’a rien du rollercoaster habituel. On est plus proche des expériences introspectives et méditatives de la modernité européenne (Antonioni, Resnais, en tête) que du cinéma choc et clip des 90’s. LOVE est un film sur un cœur brisé, une déambulation hallucinée dans les souvenirs d’un amour gâché. Murphy se réveille un matin et les souvenirs d’une ancienne histoire d’amour lui reviennent en pleine tête. D’un clignement d’yeux, matérialisé par des rapides fondus au noir saisissants, on bascule d’un instant à un autre, de la blonde que l’on hait à la brune qui nous manque, de la brune que l’on a détruite à la blonde qui nous protège, du temps où l’amour était vibrant jusqu’à la désolation d’aujourd’hui. Comme d’habitude, Noé cherche l’épuisement du spectateur mais ici par la douceur et la tristesse. Récitatif, méditatif, introspectif, le film n’est pas une plongée profonde dans les affres de l’amour. C’est plutôt l’histoire d’un bug. D’un bug amoureux qui fait que l’on avance plus, qui fait que l’on cherche désespérément dans les instants vécus le moment où ça a cloché. Alors, le sexe filmé par Noé n’a rien de l’excitation attendue. En l’état, c’est l’anti- NYMPHOMANIAC. Le sexe n’a rien de politique, métaphysique ou même psychanalytique. Il filme les corps-à-corps de manière très prosaïque. C’est une mécanique huilée, un ensemble de gestes, une pantomime dont le sens attendu (l’amour) échappe volontairement à la caméra. Par la musique uniquement, il réussit à contextualiser la relation (tendue, complice, déchirante). S’aimait-on mieux parce que l’on « faisait l’amour » ? Voilà ce qui hante LOVE. Ce n’est pas un film d’amour, c’est un film sur la perte, un film qui cherche dans les scènes pornographiques les traces d’un mystère sans jamais parvenir à le toucher du doigt. Si certains s’offusqueront de la misogynie probable du film (la jouissance n’y est filmée que du point de vue masculin), ce refus du partage donne peut-être les clés pour comprendre son héros sans qualité. La 3D, superbe et ambitieuse, sert à découper l’espace, à écraser les corps par la profondeur pour empêcher toute sublimation. Il y a dans les jeux de perspectives, dans la manière de jouer sur les juxtapositions, les surgissements et les changements à vue, quelque chose d’un labyrinthe intime infernal vraiment remuant. Dans LOVE, on ne s’aime pas pour toujours, on se promet uniquement de s’aimer jusqu’à la fin. Comme si les histoires d’amour, comme les films, n’étaient qu’une question de montage.
De Gaspar Noé. Avec Karl Glusman, Aomi Muyock, Klara Kristin. France. 2h15. Sortie le 15 juillet
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