UNE VIE ENTRE DEUX OCÉANS : chronique

05-10-2016 - 11:18 - Par

UNE VIE ENTRE DEUX OCÉANS : chronique

Derek Cianfrance ose le mélo lyrique et romantique. Du grand cinéma pas si classique que ça. Cyniques, s’abstenir.

vieoceans-posterL’époque voudrait que l’émotion soit une facilité ou pire une menace. Un film qui fait sangloter ? C’est forcément de la « manipulation affective », du « chantage à l’émotion » et bien évidemment « un tire- larmes » destiné à un public exclusivement féminin. Tant pis pour eux, Derek Cianfrance est un homme qui pleure. Si avec BLUE VALENTINE et THE PLACE BEYOND THE PINES, il avait su déguiser son émotivité en brutalité, grâce aux atours du monde contemporain, ce film ouvert, lumineux, et bouleversant, pourrait lui coûter la « carte » qui faisait de lui un réalisateur « à suivre ». Adapté d’un best-seller, UNE VIE ENTRE DEUX OCÉANS renoue avec la tradition grandiose et humaniste des mélodrames historiques à la David Lean, des œuvres qui marient le romanesque des âmes et la splendeur des paysages, qui osent tout simplement raconter une « belle histoire ». Véritable rempart au cynisme, cette histoire d’amour et de filiation perdue entre un jeune rescapé de la Première Guerre mondiale, gardien d’un phare sur une île battue par les flots, et une jeune fille frondeuse en quête d’idéal, tutoie des sommets de romantisme échevelé et de tragique déchirant. De ce récit efficace mais plutôt balisé, Derek Cianfrance tire le meilleur. Il prend le temps de regarder ses héros, non pas comme des victimes écrasées par le destin, mais bien comme des êtres humains fragiles et friables que les circonstances malmènent. La grandeur du récit se voit ainsi traitée par le sens du détail avec cette attention si singulière de Cianfrance aux gestes, aux regards, à cet invisible qui tisse des liens entre les Hommes. Une scène de repas tout en non-dits, un quotidien façon jardin d’Eden, un drame furieux tout en douceur, tout raconte la quête violente et insatiable pour se sentir accompli, heureux et serein. Stradivarius inégal, Michael Fassbender trouve ici un maestro à la démesure de son talent. Viril et fragile, l’acteur s’unit et s’oppose à une Alicia Vikander dont la douceur cache une fébrilité parfaitement exploitée ici. Le réalisateur les observe s’apprivoiser, s’aimer, se secourir et se séparer avec une distance singulière, quelque part entre l’impudeur voyeuriste et la splendeur classique. Jamais académique, toujours à la lisière du lyrisme et du tragique, traversé par l’angoisse de la perte et la violence sourde du deuil, UNE VIE ENTRE DEUX OCÉANS rappelle qu’il est parfois bon de se laisser emporter par l’émotion et de pleurer, pour un rien et pour son bien. Une sorte de thérapie par le beau qui rappelle pourquoi on aimait tant qu’on nous raconte des histoires avant d’aller se coucher.

De Derek Cianfrance. Avec Alicia Vikander, Michael Fassbender, Rachel Weisz. G-B./États-Unis. 2h14. Sortie le 5 octobre

4Etoiles

 

 

 

 

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