TU NE TUERAS POINT : chronique

08-11-2016 - 19:42 - Par

TU NE TUERAS POINT : chronique

L’horreur de la guerre selon Mel Gibson : visuellement redoutable, humainement fort, religieusement lourd.

hacksaw-posterMilieu des années 1940. Desmond Doss (Andrew Garfield) estime qu’il est de son devoir de s’engager sur le front européen même si, depuis son enfance, il réfute toute idée de violence. Il va se battre contre l’Armée pour défendre ses droits d’objecteur de conscience et officier strictement comme infirmier. Avec son titre français univoque et son plan d’ouverture scrutant un champ de bataille depuis le ciel – « l’Œil de Dieu » –, TU NE TUERAS POINT ne peut cacher sa ferveur et ne cherche pas à le faire: ses premières minutes regardent l’horreur de la guerre en face tandis qu’une voix off assène que « le Seigneur renforce celui qui est faible ». Fasciné par les figures sacrificielles s’érigeant contre l’oppresseur ou l’adversité, Mel Gibson trouve un héros taillé pour son cinéma en Doss, premier objecteur de conscience à avoir reçu la Medal of Honor. Pourtant, c’est quand Gibson sort de ce schéma presque trop évident que TU NE TUERAS POINT convainc le plus. Si l’on ne cherchera jamais à nier à quiconque le droit de chroniquer sa foi ou celle d’un personnage, TU NE TUERAS POINT s’avère maladroit dans son exaltation. Entre dialogues parfois surécrits, citations envahissantes des Écritures, score aux envolées de cordes mielleuses et plans appuyés über symboliques, le film glorifie lourdement les croyances catholiques comme voie royale vers le Bien. Peu enclin, si ce n’est à questionner la foi, du moins à la défier un tant soit peu –au point qu’un des antagonistes de Doss lui dit : « Comme tout homme, je crois en [la Bible] » –, TU NE TUERAS POINT pâtit de ses élans binaires. En revanche, dès qu’il laisse un peu de côté sa ferveur, Gibson vise juste. Le pan humain de TU NE TUERAS POINT se révèle souvent poignant, bien que parfois cousu de fil blanc – la relation entre Desmond et son collègue Smitty en est un bon exemple. La longue séquence de l’acte d’héroïsme accompli par Doss, elle, vibre d’une humanité quasi métaphysique dépassant les contours d’une foi qui, en comparaison, apparaîtrait presque étriquée. Là, Gibson atteint une épure émotionnelle et une évidence narrative imparables, qu’il finit par tirer de nouveau vers le bas dans une des scènes finales, assez problématique dans sa manière de lier, sur un ralenti un peu complaisant, victoire et religion. TU NE TUERAS POINT demeure néanmoins une expérience de cinéma notable : avec le brio de mise en scène qu’on lui connaît, Mel Gibson construit des séquences guerrières qui, en dépit de quelques élans glamourisants là encore contradictoires, marquent par leur insoutenable brutalité.

De Mel Gibson. Avec Andrew Garfield, Vince Vaughn, Teresa Palmer. États-Unis. 2 h19. Sortie le 9 novembre

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