SEULE LA TERRE : chronique

06-12-2017 - 14:40 - Par

SEULE LA TERRE : chronique

Un premier film épatant, social et romantique, sur un amour en milieu rural. On suivra Francis Lee de près.

Pour son premier film SEULE LA TERRE, Francis Lee est reparti de Sundance avec le Prix de la mise en scène et effectivement, derrière une image socioréaliste crue et dure, il y a le travail sophistiqué d’un cinéaste en quête perpétuelle de sens visuel et de beau. Pourtant, en catapultant le spectateur dans les immensités vertes du Yorkshire, sans autre repère qu’une vieille maison et l’horizon, il était difficile de maîtriser l’espace. Mais Francis Lee vient de là-bas et ce féru de photographie a eu le temps d’apprendre à posséder les lieux. Aussi hostiles que romanesques, ils sont donc le décor parfait de ce film qui joue des contrastes, racontant un amour qui naît entre deux jeunes hommes dans un milieu qu’on penserait plutôt traditionnaliste, voire conservateur : celui des fermiers, des agriculteurs, de la campagne reculée d’Angleterre. Mais SEULE LA TERRE ne sert jamais la soupe aux clichés et préfère le portrait vérité. Difficulté d’être un petit paysan alors que l’agriculture s’industrialise, appel à de la main d’œuvre d’Europe de l’Est pour pallier le désintérêt de la nouvelle génération, obligation de se diversifier pour survivre… Le fond social est engagé et aussi complexe que le travail à la ferme, décrit avec un soin quasi- documentaire. Johnny (Josh O’Connor) est un jeune homme banal, un peu rustre, inquiet pour son père (Ian Hart) à la santé précaire et pour sa grand-mère (Gemma Jones), trop vieille. Il s’occupe des tâches quotidiennes mais, hélas, à la manière de ses vieux. Quand Gheorghe (Alec Secareanu), un ouvrier roumain, est embauché en saisonnier, ils démarrent tous les deux une relation d’abord purement sexuelle, puis amoureuse. Elle aurait pu sembler taboue mais Francis Lee déploie un talent incroyable pour l’intégrer au quotidien d’un milieu rural. Le jugement d’autrui est un non-sujet, seuls finalement les papillonnages sentimentaux de Johnny sont un problème pour son père, dévoué au travail. Ce qui démarre comme un entrechoc de corps virils, aussi brutal que la nature est hostile, va doucement déployer une sublime délicatesse, en parfait contraste. On dit que le bonheur est dans le pré, mais Francis Lee ose nuancer l’adage : la dureté du métier censure les sentiments mais l’amour (du travail, de la nature, d’un partenaire) donne une force qui peut la surpasser. Le film est alors une histoire de combat de la vie sur la mort, de l’incarnation sur la déshumanisation, et la nature, toujours aussi sauvage, devient un peu moins sévère. Avec finesse et aidé d’acteurs convaincants, Francis Lee transforme un drame d’abord austère et roide en parangon d’humanité.

De Francis Lee. Avec Josh O’Connor, Alec Secareanu, Ian Hart. Grande-Bretagne. 1h44. Sortie le 6 décembre

4Etoiles

 

 

 

 

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