GLASS : chronique

09-01-2019 - 22:30 - Par

GLASS : chronique

Trop bavard et didactique, GLASS n’a ni l’élégance de INCASSABLE, ni les atours amusants de série B introspective de SPLIT. Reste la mise en scène.

 

Était-ce finalement une si bonne chose que M. Night Shyamalan renoue avec le succès critique et/ou public avec THE VISIT et SPLIT ? Si ces deux films n’arrivaient jamais au niveau de ses chefs-d’œuvre d’antan, ils témoignaient d’une envie communicative et d’une certaine humilité – toute proportion gardée avec ce cinéaste très conscient de son talent et du pouvoir du langage cinématographique. THE VISIT et SPLIT se présentaient à nous avec discrétion, sans prétendre être plus qu’ils n’étaient, sans vocation à convaincre le très grand public, et s’avéraient être de stimulantes réflexions métatextuelles sur l’état de l’industrie pour l’un et sur la carrière du réalisateur pour l’autre. GLASS, lui, est rongé par l’ambition écrasante qui l’accompagne : il est censé être la suite de SPLIT et INCASSABLE – son plus grand film – et parachever ainsi une trilogie. Des enjeux qui vont vite déborder Shyamalan, confronté à des besoins handicapants d’efficacité et de clarté. Pourtant, tout commence plutôt bien : on retrouve David Dunn comme si on ne l’avait jamais quitté, toujours plombé qu’il est par sa mission, figure messianique de l’ombre que Shyamalan filme souvent de dos. L’ambiance est là, construite en partie sur l’attente du spectateur : comment donc les univers de SPLIT et INCASSABLE vont-ils s’entrechoquer ? La réponse se révèle des plus décevantes. Si la mise en scène et la réalisation ne sont globalement jamais mises en cause – sauf dans quelques rares moments où Shyamalan peine à insuffler à des dialogues la moindre vie –, l’écriture pose davantage problème. Outre le fait que l’on ne croit pas vraiment à la mission portée par le personnage incarné par Sarah Paulson – une psy spécialisée dans le délire super-héroïque entend convaincre Dunn, Glass et Kevin (James McAvoy, à fond) qu’ils n’ont rien de surhumain –, le script passe beaucoup trop de temps à expliquer le récit, à se perdre dans d’interminables séquences de thérapie redondantes et didactiques, aux enjeux dramatiques perdus d’avance – le spectateur croit aux pouvoirs des personnages et sait que le cinéaste également. Quand INCASSABLE rejouait avec élégance, solennité et mélancolie la culture comic book avant même qu’elle ne devienne dominante, GLASS a un train de retard et surligne très grossièrement, via des dialogues sentencieux, la déconstruction qu’il opère. Autant de lourdeurs qui en font un spectacle laborieux et explicatif alors même qu’il cherche à faire l’éloge de l’imaginaire contre la raison. Ce propos, qui instaure le merveilleux comme arme pour transformer notre regard sur le monde et le sauver (comme dans LA JEUNE FILLE DE L’EAU), Shyamalan parvient enfin à l’incarner dans la toute dernière scène, superbe et émouvante. Elle arrive malheureusement trop tard et rappelle encore plus cruellement les faiblesses d’un script qui accumule les occasions manquées – la relation de David et son fils Joseph, véritable cœur émotionnel du récit, est totalement sacrifiée.

De M. Night Shyamalan. Avec Bruce Willis, Samuel L. Jackson, James McAvoy, Sarah Paulson, Anya Taylor Joy, Spencer Treat Clark. États-Unis. 2h09

2Etoiles

 

 

 

 

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