LE DAIM : chronique

19-06-2019 - 09:20 - Par

LE DAIM : chronique

Il n’y a pas de concept foireux chez Quentin Dupieux, juste des histoires et une manière fascinante de les raconter.

 

Seulement un an après avoir collé Grégoire Ludig en garde à vue (le formidable AU POSTE !), Quentin Dupieux est de retour, armé de son goût du glauque et de son savoir-faire extraordinaire pour les personnages. Un look, deux trois répliques… Chez lui, la caractérisation est un jeu d’enfants. Plus définis par leur silhouette et leurs actions, de drôles de gus hantent son cinéma artificiel et superficiel. Il ne parie pas tant sur les sentiments que sur une expérience plus immédiate, cérébrale et conceptuelle. On ne sait donc pas grand-chose de Georges. Le pitch officiel nous dit qu’il a 44 ans. Le début du film, lui, révèle qu’il vient de se taper pas mal de kilomètres pour récupérer un blouson en daim chez un petit vieux qui le vendait par petite annonce. Il lui achète une fortune. Il n’a d’yeux que pour lui. Pas une fringue ne lui arrive à la cheville. Avec ses franges et son touché tout doux, c’est pas un vêtement banal. Quand il l’enfile, Georges a « un style de malade ». Il s’invente une nouvelle vie, s’installe dans un hôtel vieillot en campagne d’altitude et échafaude un plan, grâce au concours d’une monteuse/barmaid (Adèle Haenel) qui passe son temps à remonter des films connus. Georges, c’est Jean Dujardin, parfaitement inquiétant dans ce rôle qui requiert le même naturel un peu idiot qu’OSS 117 mais durci par un désir délirant d’absolutisme. Créature d’inculture, de misogynie et d’égotisme, Georges est l’un des personnages les plus réussis du bestiaire de Dupieux. Ce serait dommage d’en dévoiler plus, tant LE DAIM va de surprise en surprise, de réplique lapidaire en dialogue corsé. Plus il avance, plus il exige du spectateur une suspension d’incrédulité grandissante, pour accepter que l’absurde devienne la normalité. Pourtant, jamais la gratuité ne prend le pas sur ce non-sens très organisé. Dupieux renoue avec le cinéma animiste de RUBBER. C’est son talent : nous faire croire à tout, à un mannequin en guise de vrai cadavre, à des pastèques en hiver… Avec en filigrane, une interrogation constante sur l’escroquerie du réalisme, dégommant l’idée qu’un « mec qui filme, c’est comme un mec qui fait un film » et asseyant le « vrai » comme le summum de l’horreur, LE DAIM réifie la toute-puissance de l’imagination, même lorsqu’elle flirte avec la folie. Parangon du cinéma dupieusien, sans époque, sans lieu, avec cette palette maîtrisée de couleurs improbables (jaune pipi, marron glacé, taupe), LE DAIM est l’exemple-type de l’idiosyncrasie du cinéma de Dupieux. Il faut être un peu fou pour prendre au sérieux ses films déglingués. Mais quiconque s’y abandonne est généreusement récompensé. 

De Quentin Dupieux. Avec Jean Dujardin, Adèle Haenel, Albert Delpy. France. 1h17. Sortie le 19 juin

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