MANDIBULES : chronique

19-05-2021 - 09:25 - Par

MANDIBULES : chronique

Jamais là où on l’attend, Quentin Dupieux marie Spielberg avec les frères Coen dans un conte de la lose qui célèbre les freaks et l’amitié. Drôle, bizarre mais surtout étonnamment émouvant.

 

On pensait le connaître, Quentin Dupieux. Lui, son univers décalé, ses petits contes morbides où les cadavres s’empilent en rigolant. On aurait presque même commencé à prendre nos aises dans son cinéma tordu, fait de chausse-trappes narratifs, de mises en abyme alambiquées et de doigts d’honneur rigolards. Avec le monde qui part en vrille, on trouvait même un certain réconfort dans la douce noirceur de son cinéma, comme une joyeuse catharsis où le bizarre et l’humain ne font qu’un. Avec ses chemises bariolées et son soleil de Californie du sud de la France, MANDIBULES part joyeusement dans l’autre sens. Fini les cauchemars, Dupieux décale son cinéma cette fois-ci du côté de la déconnade merveilleuse. Anti-thèses des héros carnassiers et dévorés de son cinéma, Jean-Gab et Manu sont avant tout deux copains. Ils n’ont aucune névrose, aucune envie, aucun but. Ils vivent au présent. Vaguement losers, vaguement débiles, les deux amis semblent s’être égarés dans le début d’un polar. On s’excite, on frétille à l’idée de voir ces dumb and dumber embarqués dans une sale histoire de mallette secrète à transporter. Mais très vite, Dupieux fait dérailler le film par l’entrée en scène d’une mouche géante, rien que ça. Qu’est-ce qu’on fait de ça ? Qu’est-ce qu’on fait du merveilleux ? MANDIBULES est l’histoire d’un réenchantement. Par petites touches, Dupieux stylise le trait et décale la petite mécanique attendue vers une forme de comédie graphique, joueuse, une ode à la lose et à l’amitié où l’on s’amuse et s’étonne encore de tout. C’est cette mouche, bien sûr, mais c’est aussi une poignée de main absurde qu’on décline à toutes les occasions, un vélo licorne, une villa de rêve qui sort de nulle part, des souvenirs d’enfance pas très clairs, une fille vraiment trop méfiante (immense Adèle Exarchopoulos dans un grand numéro hilarant), un dentier lumineux… Tout est un peu bizarre, un peu étrange dans MANDIBULES et tout est pourtant étonnamment joyeux. La naïveté de Jean-Gab et Manu, la beauté simple de ces personnages sans fond obligent Quentin Dupieux à se défaire de toute ironie et à prendre ce monde dingo comme il va, comme il est. Il peut s’appuyer sur l’excellence de David Marsais et Grégoire Ludig, leur goût de l’incarnation totale, leur génial sens du rythme pour les emmener très loin, vers une humanité pure qui va bien au-delà de la caricature. Jean Gab et Manu sont une vision du monde, une façon de le prendre à rebours, de s’étonner encore, de rester enfant malgré tout. Une ode aux imbéciles certes, mais heureux ! 

De Quentin Dupieux. Avec David Marsais, Grégoire Ludig, Adèle Exarchopoulos. France. 1h17. Le 19 mai en salles

4Etoiles

 

 

 

 

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