INVISIBLE MAN : chronique

26-02-2020 - 10:15 - Par

INVISIBLE MAN : chronique

Pas de chapeau volant ou de bandage intégral : Leigh Whannell imagine l’Homme invisible comme le harceleur d’aujourd’hui, qui maîtrise tous les outils pour nuire à son prochain. Et plus particulièrement aux femmes.

 

Il y avait déjà quelque chose de profondément « H.G. Wells-ien » dans UPGRADE, le précédent film de Leigh Whannell, dans ce mélange d’anticipation rationnalisée par la science – appliqué dans ce cas précis au film d’action. Qu’il adapte stricto sensu l’auteur à l’occasion de INVISIBLE MAN semblait donc couler de source et pourtant, il va se départir du roman pour mieux transposer l’esprit de l’auteur dans le contemporain. INVISIBLE MAN est un film fantastique et allégorique où l’homme invisible en question est l’antagoniste de l’histoire, racontée du point de vue de sa victime. Il n’est pas tant un prédateur sexuel comme chez Verhoeven (HOLLOW MAN) qu’un harceleur, un homme violent.

Prisonnière d’un couple toxique, Cecilia (Elisabeth Moss, intense) s’échappe une nuit de la maison de son compagnon, cador de la Tech (Oliver Jackson-Cohen). Elle déjoue la surveillance permanente, les caméras, les alarmes. Elle avait préparé son coup. Au-delà des murs dressés autour d’elle, au bout d’une route, sa sœur vient la prendre en voiture pour la refugier dans un endroit où son ex n’ira jamais la chercher. Quelques jours après sa fuite, Cecilia apprend qu’Adrian s’est suicidé. Mais la jeune femme sent que quelque chose ne tourne pas rond. Elle sait qu’il est toujours là, invisible. Créature fantastique ou stigmate des violences psychologiques qu’elle a longtemps subies ? Et si c’était les deux ? Les films d’horreur modernes savent ménager le cinéma de genre et l’analyse sociétale comme le meilleur du cinéma des années 70, sans toutefois de surenchère graphique.

Sans surenchère ne veut pas dire sans violence. Elle est parfois sanguinolente (une scène d’égorgement qui nous hante depuis) mais surtout insidieuse, écrasante, manifestation d’une pression psychologique permanente. Grâce à un sens du cadre admirable, une manière de laisser de l’air à l’écran où il ne devrait pas y en avoir et d’utiliser la caméra comme un personnage invisible, Leigh Whannell maintient l’attention du spectateur à son maximum. Si James Wan est devenu le metteur en scène de l’ombre et du noir (les prodigieux CONJURING 1 et 2), Leigh Whannell est en passe d’être le maître de l’espace vide. Rarement on aura scruté l’écran à l’affût du moindre déplacement d’air, rarement donc, on aura autant occupé l’esprit de l’héroïne d’un film. Aucun jumpscare gratuit ne saurait remplacer la véritable terreur dans laquelle on est parfois plongés. Les scènes « d’action », dans le style assez proche de celles de UPGRADE, sont époustouflantes de brutalité et résument parfaitement un film dont l’imagination et la mise en scène valent tous les CGI du monde.

Les effets spéciaux sont rares mais ils sont toujours utilisés pour renforcer l’horreur et la perversité que dégage ce prédateur invisible. Ils viennent d’ailleurs en points d’orgue du film, uniquement si nécessaire. Ils symbolisent la chute de la créature. Lorsqu’elle devient numérique, c’est qu’elle va bientôt disparaître. Une belle idée comme une note d’intention d’un film dont l’artisanat et l’écriture, très maline, sont les plus grandes forces.

Leigh Whannell explique souvent qu’un dénouement peut déterminer l’impression générale d’un film. Qu’une bonne fin satisfait les spectateurs au point qu’elle transcende leur avis global. INVISIBLE MAN en serait le contre-exemple parfait. La conclusion du film, hâtive en matière de psychologie et de caractérisation des personnages, nous a laissés dubitatifs, mais rien qui n’entache notre admiration pour le talent du réalisateur pour le storytelling visuel, sa maîtrise des codes du suspense et son savoir-faire pour en jouer.

De Leigh Whannell. Avec Elisabeth Moss, Oliver Jackson Cohen, Aldis Hodge. États-Unis. 2h05. Sortie le 26 février 2020

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