THE CLIMB : chronique

28-07-2020 - 13:11 - Par

THE CLIMB : chronique

Mike et Kyle sont potes à la vie à la mort depuis toujours. Jusqu’à ce que l’un des deux faute… Michael Covino et Kyle Marvin explorent une amitié masculine dévorante : une leçon d’écriture, de jeu et de mise en scène.

 

L’écran est encore noir, les logos des sociétés de production défilent, mais THE CLIMB a en réalité déjà débuté : les râles essoufflés de deux hommes se font entendre, comme engagés dans un coït passionné. La première image se dévoile enfin : Mike et Kyle sont en fait sur des vélos, à batailler avec l’ascension d’un col de faible catégorie dans l’arrière-pays niçois. La confusion crée déjà du sens : ces deux-là ne couchaient peut-être pas ensemble, mais une bromance très puissante les unit. De là, les deux scénaristes Michael Covino (qui réalise) et Kyle Marvin, également interprètes des deux rôles principaux, déroulent une comédie particulièrement attachante et maligne sur l’amitié comme histoire d’amour, le couple comme obstacle potentiel à la bromance, l’immaturité et la toxicité masculines – et comment la famille interagit avec tout ce bazar. On pourrait croire à un jeu de massacre sardonique à la Ruben Ostlünd mais THE CLIMB se révèle beaucoup plus tendre que ça, beaucoup plus généreux aussi, et bien plus amoureux de ses personnages que ne l’est le cinéaste suédois. Proche de mécaniques humoristiques chères à la comédie américaine contemporaine – vannes tranchantes et situations gaguesques –, THE CLIMB se différencie par son traitement esthétique, ancré dans l’exigence d’un cinéma d’auteur européen. En sept segments disséminés sur plusieurs années, Covino et Marvin explorent l’amitié rocambolesque de leur duo par le truchement d’ellipses très calculées, de revirements narratifs dynamitant le récit et de ruptures de ton. Le tout, mis en image dans de longs et virtuoses plans-séquences (la mécanique s’assouplit dans le dernier tiers, mais chaque plan reste circonscrit à une prise sans coupe). Loin d’être un apparat ou une démonstration, le plan-séquence trouve ici une véritable justification dans la rigueur avec laquelle Covino l’exécute : mis en scène avec précision, ils racontent en silence, génèrent la surprise ou le rire, et cartographient avec soin les rapports entre les personnages. Jamais complaisants, ne capturant jamais l’inutile, ils assurent même une grande vérité de la comédie. On reste un peu plus coi devant les quelques interludes musicaux (des fossoyeurs chantent un morceau de soul ; un couple de seniors danse en ski…) qui, s’ils insufflent une jolie bizarrerie, étirent artificiellement la durée du film, qui perd alors en pure efficacité. Mais Marvin et Covino, aussi bons acteurs que scénaristes et réalisateur, entourés d’autres comédiens en phase évidente avec leurs intentions, dont la formidable Gayle Rankin, redressent toujours la barre, relancent constamment l’intérêt soit avec une idée visuelle (une ellipse en time lapse et en continuité du plan séquence), soit avec un rebondissement. Ce qu’ils nous disent sur l’amitié, l’amour et la vie n’a rien d’inédit – ils le savent pertinemment, eux qui citent ici de manière très visible CÉSAR ET ROSALIE de Claude Sautet ou LE GRAND AMOUR de Pierre Étaix. Mais ils le font avec une malice, une ambition, une modernité et une drôlerie qui emportent tout.

De Michael Angelo Covino. Avec Michael Angelo Covino, Kyle Marvin, Gayle Rankin, Judith Godrèche. États-Unis. 1h34. Sortie le 29 juillet

4Etoiles

 

 

 

 

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