Annecy 2021 / FLEE : chronique

21-06-2021 - 08:44 - Par

Annecy 2021 / FLEE : chronique

Cristal de cette 60e édition d’Annecy, FLEE est un documentaire animé grandiose dont la justesse n’a d’égale que son inventivité. 

 

Il aurait pu tout rafler à Cannes en 2020, où il avait été sélectionné, mais c’est à Annecy, après un passage récompensé à Sundance, que FLEE du Danois Jonas Poher Rasmussen reçoit enfin en France tous les honneurs qu’il mérite. Cristal du long métrage cette année au festival de l’animation, FLEE est un documentaire sur l’histoire d’Amin, un Afghan qui a dû fuir son pays avec sa famille lorsqu’il était enfant alors que les moudjahidines arrivaient au pouvoir. Mais c’est aussi le récit d’un jeune homme homosexuel enfin prêt à se confier à son ami d’enfance devenu réalisateur, 20 ans après les faits, alors qu’il s’apprête à se marier. Une histoire forte, souvent saisissante, qui aurait pu faire les belles heures du live action. Sauf qu’Amin refuse de montrer son vrai visage (ce n’est d’ailleurs pas son véritable nom). Le documentaire en prises de vues réelles était donc à exclure. Une fiction ? Le risque de sombrer dans un pathos larmoyant aurait été bien grand et ce n’est pas ce que souhaite Jonas Poher Rasmussen. Du réel, le cinéaste ne garde que les voix, qui sont bien celles d’Amin, de son époux et de lui-même, ainsi que des images d’archives qui font soudain parler la Grande histoire, comme un rappel à l’ordre : non, ce récit n’est pas inventé, il est un parmi la multitude des candidats à l’exil. Entre en jeu l’animation : tantôt réaliste lorsqu’elle renvoie aux séquences d’entretien entre le réalisateur et Amin ou à certains souvenirs précis, tantôt à la limite de l’abstraction lorsqu’elle évoque des passages traumatiques. Le résultat est aussi immersif que rythmé car il affirme la puissance de l’image animée d’aller là où le réel s’arrête et de matérialiser les sensations. Œuvre sur le passé et son poids, FLEE donne des couleurs et de la vie à des sentiments aussi divers que la honte, la joie, la peur et le soulagement, autant d’émotions qui ne cessent de tourmenter son héros malgré le temps qui passe. Au son de a-ah, Ace of Base ou encore de Daft Punk, le film est un aperçu poignant et haletant du destin d’un homme à la croisée des chemins entre crise des réfugiés et découverte contrariée de son homosexualité. Toujours à la hauteur de son sujet, le long métrage fait se rencontrer, avec la malice et la brutalité des vents contraires, Jean-Claude Van Damme, les télénovelas mexicaines et les passeurs sans cœur dans un monde globalisé aux frontières mortelles. FLEE, ou l’histoire de la fin d’une fuite en avant, qui oppose à la violence humaine un désir de vivre frondeur et complexe.

De Jonas Poher Rasmussen. Documentaire / Animation. 1h23. Prochainement

5EtoilesRouges

 

 

 

 

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