THE SPARKS BROTHERS : chronique

27-07-2021 - 10:05 - Par

THE SPARKS BROTHERS : chronique

Pour son premier documentaire, Edgar Wright se penche sur la carrière de l’un de ses groupes de rock préférés : Sparks. Un moment désopilant, touchant et généreux, qui embrasse la personnalité du cinéma de Wright.

 

De par leur sujet et la nécessité de l’exposer avec un minimum de didactisme, certains documentaires ont recours à la combinaison « images d’archives, reconstitutions et interviews ». Dans cet exercice, difficile pour certains cinéastes d’insuffler une véritable singularité. Une inquiétude que THE SPARKS BROTHERS balaie à sa première seconde : tout comme SCOTT PILGRIM s’ouvrait sur une relecture en 8 bit du logo Universal, THE SPARKS BROTHERS débute sur Sparks chantant le générique : « Fanfare ! The opening film fanfare ! Documentary film fanfare ! Edgar Wright film fanfare ! » Une entrée en matière collant à ce que le film sera pendant 2h15 : un portrait instructif et exhaustif de Sparks autant qu’un exercice piratant le classicisme du dispositif. Un piratage orchestré par Wright lui-même, notamment par un savant jeu de montage et des reconstitutions animées, qui convoque à la fois la personnalité à contre-courant de Sparks et celle de son cinéma. Les deux Sparks, les frères Ron et Russell Mael, font preuve de recul, voire d’autodérision, injectant une grande drôlerie au récit de leur vie. Optant pour une narration chronologique, Edgar Wright construit patiemment sa dramaturgie : une identification se forge progressivement avec ces deux frangins qui traversent succès et échecs, oubli et résurrections. À travers ce parcours chaotique qui les a vus aligner 25 albums en cinquante ans, fasciner les plus grands (dont Paul McCartney) et influencer une kyrielle d’autres (de Franz Ferdinand à Flea des Red Hot) sans pour autant être connus et reconnus à leur juste valeur, Edgar Wright échafaude un récit à la portée universelle. Émerge une ode à la persévérance, à l’intégrité artistique, à la nécessité de suivre ses instincts, ses envies, ses ambitions et de s’affranchir autant des attentes que des carcans et des modes. Entre un fou rire à la découverte des paroles de « Girl From Germany » et les émotions transmises par leur batteuse Christi Haydon lorsqu’elle évoque leurs six années d’inactivité publique, s’établit une immense tendresse pour les Mael. D’autant que leur histoire revêt un sens méta : loin des passages obligés de l’histoire du rock, aucune tension ne pourrit leur relation, aucune addiction à l’alcool ou à la drogue, aucune jalousie. Si bien que leur fan base elle-même apparaît comme la plus saine et partageuse qui soit. Loin des communautés toxiques que notre époque ne tolère que trop, THE SPARKS BROTHERS offre aux profanes son amour et sa connaissance de Sparks sans exiger de contrepartie. Sans le moindre délire de possessivité. Dans cet exercice de passation jaillit la personnalité du cinéma d’Edgar Wright. Il trouve en Ron et Russell Mael des anticonformistes qui, à l’image de beaucoup de ses personnages – et donc de lui-même –, fantasment et cherchent un quotidien plus beau pour ne pas s’enfermer dans des conventions débilitantes. THE SPARKS BROTHERS vit de ce ton si particulier, extrêmement sentimental, que l’on goûte depuis SPACED, qui prend l’humour le plus ridicule au sérieux et ne lui nie jamais le droit à des émotions sincères. Alors que Wright a passé sa filmographie à confronter ses héros au passé et à la nostalgie, il trouve en Sparks des figures en perpétuelle évolution, allant sans cesse de l’avant(garde), ne s’appesantissant ni sur leurs succès ni sur leurs échecs. Des figures qui, comme lui, embrassent un Art et une forme pour les honorer autant que les commenter. THE SPARKS BROTHERS, comme toujours chez Wright, trouve dans ce post-modernisme une joie et une résilience plus qu’une malice ou une amertume. Impossible alors, à la fin de la séance, de ne pas vouloir écouter tout Sparks en boucle. Puis de tout transmettre à nos proches à notre tour.

De Edgar Wright. Documentaire. Royaume Uni. 2h15. En salles le 28 juillet

5EtoilesRouges

 

 

 

 

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