CANDYMAN : chronique

29-09-2021 - 09:23 - Par

CANDYMAN : chronique

Une réactualisation de la légende Candyman pour la société américaine d’aujourd’hui, qui hésite entre le littéral et l’allégorique.

 

Dans le film de Bernard Rose, inspiré d’une nouvelle de Clive Barker, Candyman était ce monstre, créé par les Blancs, ce fantôme du racisme, qui venait hanter les cités de Cabrini Green à Chicago. Dans cette suite 28 ans après, fomentée par le producteur Jordan Peele et la réalisatrice Nia DaCosta, les Chicagoans ont oublié. Ils ont occulté la réalité du sang versé par Candyman et l’ont transformé en légende urbaine. Anthony McCoy (Yahya Abdul-Mateen II), artiste peintre sujet à une crise créative, habite avec Brianna, responsable d’une galerie, dans un quartier huppé, construit sur les ruines de Cabrini Green. Pour son prochain projet artistique, Anthony décide de s’inspirer des lieux auxquels il se sent étrangement lié (et pour cause). Mais l’Histoire et la douleur de la communauté noire sont devenues pour les journalistes ou les bobos blancs d’aujourd’hui des clichés victimaires, de la matière folklorique à tourner en dérision. Sauf qu’Anthony, en prononçant cinq fois « Candyman » dans le miroir, a fait revenir le monstre du passé et il est plus réel que jamais. En l’exploitant artistiquement, le peintre a créé chez les autres le désir interdit de le convoquer à leur tour. Candyman est ainsi partout, dans toutes les vitres, tous les miroirs, tous les reflets de chaque image et chaque cadre savamment construits par Nia DaCosta, qui met le diable dans les détails. Amusant : quand l’horreur se déplace chez une critique quinquagénaire, blanche et bobo, le décor prend des allures kubrickiennes, drapant le personnage dans son propre cliché de cinéma… Bien sûr, il y a le gore requis quand on parle de ce boogeyman au crochet acéré, mais il y a toute la tension, l’air irrespirable dont elle enrobe son Anthony, hanté par Candyman. Le monstre devient le symbole des oppressions contre les Noirs, il est leur « réponse aux atrocités qui continuent de se produire », soit ce vaste champ allant du lynchage aux violences policières, en passant par la destruction des habitats – la gentrification des quartiers populaires étant un thème central du film. Au-delà de ce que le film raconte, concrètement, sur la pression mise aujourd’hui sur les artistes afro-américains pour qu’ils livrent des œuvres sur-politisées et originales, Nia DaCosta tance le cynisme de la néo-bourgeoisie noire dont l’engagement serait cosmétique et vidé de sens. Que Candyman devienne le héraut de la mémoire noire, c’est une idée de notre temps, très pertinente. Mais tout le sous-texte beaucoup plus théorique sur le rôle de messager que revêt Anthony là-dedans est plus confus et aurait mérité une écriture plus précise plutôt que certains dialogues sibyllins et ces deux ou trois scènes expéditives lorgnant vers l’horreur grotesque, en rupture avec la densité et la solidité du film. 

De Nia DaCosta. Avec Yahya Abdul-Mateen II, Teyonah Parris, Colman Domingo. États-Unis. 1h31. En salles le 29 septembre

3Etoiles

 

 

 

 

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