LE DERNIER DUEL : chronique

14-10-2021 - 08:03 - Par

LE DERNIER DUEL : chronique

Ridley Scott a encore de quoi faire rougir la jeune génération et, à bientôt 84 ans, signe l’un de ses meilleurs films, en écho à son tout premier.

 

Loin de nous l’idée de vouloir voir Ridley Scott raccrocher les gants mais LE DERNIER DUEL, au-delà de son titre, aurait constitué un parfait chant du cygne pour le cinéaste anglais, tant il renvoie à son tout premier film – et chef-d’œuvre –, LES DUELLISTES (1977). Dans ce dernier, Scott radiographiait tout le spectre des boursouflures de l’ego masculin en racontant l’absurde histoire de deux officiers napoléoniens qui, sur un grand nombre d’années, ne cessent de se provoquer en duel afin de laver leur honneur prétendument sali. Affrontement au long cours qu’il filmait avec un opératisme et une ampleur dignes de peintures animées, renforçant le ridicule de la situation. Près de 45 ans après, revoici Scott en France, mais cette fois à Paris et au Moyen-Âge, en 1386. Jean de Carrouges (Matt Damon) et Jacques Le Gris (Adam Driver) sont sur le point de s’affronter en duel à mort devant Dieu afin de trancher si oui ou non, l’épouse du premier, Marguerite de Carrouges (Jodie Comer), a bien été violée par le second. Après une première séquence intense installant ce nœud dramatique, Scott et ses scénaristes (Matt Damon, Ben Affleck et Nicole Holofcener) remontent le temps. En trois chapitres, LE DERNIER DUEL conte ce qui a mené à cet instant, chacun des personnages du trio Jean / Jacques / Marguerite voyant ainsi « sa » vérité exposée à l’écran. Au-delà de la convocation du « Rashomon Effect », le film opère un remarquable et signifiant travail de construction de mensonges, que l’avancée du récit va progressivement déconstruire puis détruire. Ce faisant, LE DERNIER DUEL, en dépit de quelques surlignages très voyants, fait preuve d’une grande complexité thématique et dramaturgique : il dissèque la brutalité et la décadence d’une époque, les différentes strates de lutte des classes, l’arrogance des dominants, les gestes d’un autre temps qui, pourtant, rappellent pour certains ceux d’aujourd’hui – manière de ne pas imputer au seul passé les raisons des pensées archaïques. Il observe le patriarcat comme système oppressif auto régénérateur, la toxicité de l’ubris masculine qui dissimule, ment et se ment, humilie et soumet. En filmant la virilité comme un bulldozer qui prend tout pour acquis, pour un jeu inconséquent ou pour un défi à l’honneur, Ridley Scott fait preuve d’une grande contemporanéité qui déjoue les images héroïques. Mais, parce que LE DERNIER DUEL renvoie tant aux DUELLISTES, il rappelle aussi l’intemporalité de ces problématiques. Mieux : en plaçant cette fois une victime au centre de ce grotesque combat de coqs, il ajoute une dimension puissamment tragique à sa réflexion. 

De Ridley Scott. Avec Jodie Comer, Adam Driver, Matt Damon. États-Unis. 2h32. En salles le 13 octobre

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