ASTEROID CITY : chronique

21-06-2023 - 09:05 - Par

ASTEROID CITY : chronique

Roi du style, Wes Anderson se confronte enfin à sa peur du vide avec ce nouvel opus en plein désert américain. Mélancolique et merveilleux, la vie en mieux.

 

Wes Anderson a perdu son mojo. Et tant mieux, c’est tout le sujet de son nouvel opus. Tout commence par une panne. Une voiture qui cale à Asteroid City, ville en forme de cratère où vont se croiser une galerie de personnages à côté d’eux-mêmes. Un trou métaphore d’un film, d’un cinéaste et d’une époque qui vont devoir faire avec. À l’inverse de l’hyper-effervescence de THE FRENCH DISPATCH qui saturait le cadre pour tenter de combattre sa propre fin, ce nouvel opus fait petit à petit corps avec le vide. Peut-être parce que, sous ses airs de fable absurde au look désuet, ce nouveau film de Wes Anderson est directement lié au contemporain et à ce monde entier qui s’est arrêté. Que faire quand le chaos est là ? Quand plus rien n’a de sens ? Quand l’impensable survient ? Faire avec. Si Wes Anderson a toujours maîtrisé la miniature des grands espaces, notamment dans sa trilogie d’aventure (DARJEELING LIMITED, MOONRISE KINGDOM, THE GRAND BUDAPEST HOTEL), ici ce désert de cartoon (beep beep ouvre le film) est un espace trop grand, impossible à maîtriser, qui confronte tous les personnages à leur propre vide. Chacun à leur manière, d’un veuf incapable d’exprimer son deuil (Jason Schwartzman, merveilleux) à une actrice qui ne sait qu’exister dans le regard des autres (Scarlett Johansson), en passant par un grand-père triste (Tom Hanks), une scientifique dépassée (Tilda Swinton), une institutrice stressée (Maya Hawke) ou un gérant de location qui tente de sauver les meubles (Steve Carell), les personnages d’ASTEROID CITY sont confrontés à eux-mêmes à cause de cette « pause dans la vie ». Et Anderson d’en faire de même. Dans une scène sublime – et inédite dans son cinéma –, le cinéaste confronte son cinéma millimétré au merveilleux. D’une beauté folle, la scène est aussi profondément mélancolique. Une sidération absurde qui ne résout rien, ne répond à aucune question. Comme ce magnifique personnage d’ado qui met toute sa vie en défi pour « simplement avoir le sentiment d’exister », le cinéma d’Anderson réaffirme in fine le pouvoir des histoires. Car, présenté comme la retransmission de l’adaptation télé d’une pièce de théâtre, ASTEROID CITY devient aussi le récit de celles et ceux qui donnent vie à cette histoire. Par un jeu de coulisses et de flashbacks, le film raconte la façon dont la fiction se nourrit de la vie. Point culminant, une extraordinaire scène de balcon, en noir et blanc, où soudain acteurs et personnages finissent par se confondre. « Je ne comprends pas le sens de tout ça », dit à un moment Jason Schwartzman. « Oui mais continue de raconter l’histoire », lui répond le metteur en scène. L’émotion nous attrape. Derrière les couleurs et le chic, Wes Anderson nous parle de nous, nous parle de lui. Pareil, Wes. On ne comprend pas tout mais on continue. Du cinéma mieux que la vie, qui aide à vivre.

De Wes Anderson. Avec Jason Schwartzman, Scarlett Johansson, Tom Hanks. États-Unis. 1h44. En salles le 21 juin

Note : 5

 

 
 

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