SABOTAGE : chronique

26-07-2023 - 15:12 - Par

SABOTAGE : chronique

Via une trame fictive, SABOTAGE adapte avec finesse et énergie l’essai ‘Comment saboter un pipeline’ d’Andreas Malm.

 

Une jeune femme crève les pneus d’un SUV puis dépose un tract sur le pare-brise. « Pourquoi j’ai saboté votre bien?Ce que la loi ne fait pas, nous le faisons. » SABOTAGE pose ouvertement la question des moyens requis aujourd’hui pour lutter contre le dérèglement climatique. Les anciennes méthodes (sensibilisation, changement progressif de nos modes de vie…) doivent-elles, face à l’urgence et à l’action polie des autorités, être remplacées par des voies plus radicales ? Les huit protagonistes de SABOTAGE ont fait ce choix et décidé de faire exploser un pipeline : selon eux, un geste d’auto-défense et, par ricochet, une affirmation de leurs droits fondamentaux à pouvoir exister sur une Terre vivable. Là réside peut-être une des forces les plus subversives de SABOTAGE : cette affirmation de droits apparaît très étasunienne dans sa lettre et son esprit, et vient ainsi pirater cette âme américaine – ou du moins l’image qu’on en donne et que l’on reçoit souvent –, qui défend plus souvent son droit à porter des armes ou à s’exprimer en toute liberté. Dans la construction de cette identité typique, SABOTAGE fait d’ailleurs un choix malin, exécuté avec soin : l’usage de codes du cinéma de genre – le western pour ses décors, le thriller pour la tension et le film de casse pour sa structure réunissant des personnages ensemble dans une mission. SABOTAGE gagne ici en pure efficacité d’autant que, si le récit use de flashbacks éclairant les motivations de chacun et de quelques tours de passe-passe superfétatoires dans le troisième acte, il reste le plus souvent en ligne claire, frontal et direct, voire d’un pragmatisme et d’un naturalisme à toute épreuve. Chaque étape du sabotage du pipeline est documentée avec soin, comme dans un manuel du passage à l’action. Le film vibre de ce réalisme et de son urgence, transmises par un beau 16mm granuleux et par une caméra portée limitée à des moments stratégiques – l’énergie trouve son vecteur principal dans un montage sec. Mais son impact serait sans doute moindre sans son écriture qui, par touche subtile ou plus voyante, insuffle une grande finesse au propos. Que Daniel Goldhaber filme les rages ou les doutes de ses personnages, il aborde les questionnements de nous tous face à la radicalité – la notion de terrorisme et ses conséquences, notamment. Mettre en scène comme il le fait des protagonistes d’horizons très différents, radicalement opposés sur l’échiquier politique américain, devient un propos en soi : qu’ils soient poussés à s’unir en dit long sur l’état du monde et sur la gravité de la situation.

De Daniel Goldhaber. Avec Ariela Barer, Sasha Lane, Jake Weary. États-Unis. 1h44. En salles le 26 juillet

Note : 4

 

 

 

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