RENDEZ-VOUS À TOKYO : chronique

26-07-2023 - 15:14 - Par

RENDEZ-VOUS À TOKYO : chronique

RENDEZ-VOUS À TOKYO remonte le temps pour raconter une romance. Le premier film de Daigo Matsui à sortir en France est d’une rare élégance.

 

Comment verbaliser en critique la grâce d’un film qui assure que « ce qui relie les gens, ce sont les sentiments et les pensées. Tout s’écroule dès que tu les mets en mots » ? RENDEZ-VOUS À TOKYO s’intéresse au même jour (le 26 juillet), chaque année, dans la vie de deux Tokyoïtes qui se sont aimés : Yo, chauffeuse de taxi, et Teruo, danseur reconverti éclairagiste. Le tout, à rebours : chaque partie remonte le temps de 365 jours. Par cette structure exigeante qui requiert toute l’attention du spectateur, son implication et sa compréhension, RENDEZ-VOUS À TOKYO avait tout pour être ardu et lourdement mécanique. Il n’est au contraire qu’évidence et limpidité ; il laisse le spectateur s’acclimater à son rythme, errer dans cette belle romance contrariée et en saisir à sa guise les jalons, les obstacles. Tout d’abord parce que Daigo Matsui ne précipite jamais les choses : la première véritable interaction entre Yo et Teruo à l’écran survient à la quarante-quatrième minute. Chaque protagoniste peut exister à l’image avant d’être défini au sein du couple, chacun laisse entrevoir ses mystères, ses fêlures, occasion pour Sairi Ito (fantastique comédienne vue dans ASAKO I & II de Ryusuke Hamaguchi, sorte de Florence Pugh nipponne) et Sosuke Ikematsu (un des acteurs japonais emblématiques de sa génération, vu dans BECOMING FATHER de Mariko ou L’INFIRMIÈRE de Fukada) de livrer des prestations instantanément captivantes et touchantes de singularité. Elle, brille par sa malice et ce qu’elle révèle de sagesse dans ses discussions avec ses clients – un gimmick repris au NIGHT ON EARTH de Jim Jarmusch, directement cité. Lui, intrigue en ce qu’il dissimule à la fois de colère réprimée et de pure humanité. Peu à peu, le spectateur raccroche les wagons de leur histoire commune en captant ici et là des détails, les images venant raconter sans rien verbaliser. Et par cette mécanique, RENDEZ-VOUS À TOKYO prend forme émotionnellement. Parce qu’il se déploie à rebours, il présente les souvenirs avant les faits si bien que, lorsque ces derniers surviennent, ils respirent déjà la mélancolie – voire la tristesse –, touchant sans même que Daigo Matsui n’ait à surligner ses effets. De la même façon, la structure à rebours répare aussi les douleurs du futur, elle efface des traumas déjà racontés en un joli mouvement poétique, bien qu’illusoire, de refus de l’inéluctable. Comment Matsui parvient-il, aussi simplement, à tirer les fruits d’une structure si cadrée ? Une partie relève de sa mise en scène patiente, qui laisse durer les plans pour y trouver des moments de vérité. L’autre tient de la pure magie.

De Daigo Matsui. Avec Sairi Ito, Sosuke Ikematsu, Jun Kunimura. Japon. 1h55. En salles le 26 juillet

Note : 4

 

 

 

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