YANNICK : chronique

01-08-2023 - 13:34 - Par

YANNICK : chronique

Drôle, méchant, tendu, étonnamment émouvant, un grand cru de Quentin Dupieux porté par l’humanité dingue de l’acteur Raphaël Quenard.

 

Comme toujours avec les films de Quentin Dupieux, il faudrait en dire le moins possible. Juste vous dire d’y aller, de vous laisser surprendre et malmener par ce cinéma qui décidément n’est jamais tout à fait là où on l’attend. À chaque film, le réalisateur reboote son style, cherche ailleurs et propose une tout autre expérience. YANNICK embarque donc Dupieux du côté du réalisme social. Enfin, à sa manière, bien sûr. Inattendue, déroutante, joueuse et finalement assez bouleversante. Et tout ça le temps d’une nuit. Dans un théâtre morne, on joue un mauvais boulevard. Le mari, la femme, l’amant, personne n’a l’air d’y croire. Ça ronronne, ça somnole dans un ennui poisseux. Soudain, dans le public, Yannick se lève et interpelle le spectacle. Postulat comique que le cinéaste traite comme toujours au premier degré. Que se passerait-il si un spectateur venait soudain demander des comptes à un divertissement médiocre ? D’abord drôle, la confrontation devient vite inquiétante puis cruelle. Yannick, veilleur de nuit, est bien décidé pour une fois à se faire entendre. Et surtout à passer une bonne soirée. Par tous les moyens. Renvoyant constamment dos à dos la folie de son personnage et le mépris de classe des comédiens sur scène, le film crée une tension, un malaise dont on ne sait jamais s’il va accoucher d’un gag ou d’un drame. C’est toute la force de Dupieux de réussir ainsi à faire tanguer son huis clos si restreint entre toutes les émotions. On rit mais soudain la phrase suivante glace. On s’inquiète et le plan d’après nous emmène ailleurs. Il offre surtout à Raphaël Quenard, génial acteur gouailleur, un rôle monstrueux. Son phrasé imprévisible, sa façon d’être toujours au bord du pétage de plomb flippant ou de la blessure profonde rappelle la découverte de Benoît Poelvoorde dans C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS. Il donne au film une profondeur sociale, une étrangeté rare qui sans cesse nous fait changer de place. Face à lui, Pio Marmaï, Blanche Gardin et Sébastien Chassagne s’éclatent en comédiens exécrables. La caricature pourrait mettre facilement le spectateur dans la poche de Dupieux. Mais, et c’est toute la réussite de ce YANNICK, jamais le film ne jubile de son petit théâtre cruel. Au contraire, il émerge de cette situation et de ces personnages épuisés une tristesse infinie, une émotion qui surprend, déroute et laisse en nous une impression très forte. En allant pour une fois au bout de son histoire, en confiant totalement les clés de son monde à la performance démente des comédiens, Dupieux révèle la part sombre et terriblement humaine de son cinéma. Vous n’allez pas oublier ce YANNICK de sitôt.

De Quentin Dupieux. Avec Raphaël Quenard, Blanche Gardin, Pio Marmaï. France. 1h10. En salles le 2 août

 

Note : 5

 

 

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